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Le guarana, un enjeu pour les Indiens d’Amazonie
par
le jeudi 26 octobre 2006 à 20 heures 30


Le guarana, c’est une légende, un mythe, une plante aux mille vertus dont est extrait un breuvage ancestral, un aliment sacré. C’est un fruit en forme d’œil qui évoque l’origine du monde, des hommes, de l’humanité. C’est l’or rouge de l’Amazonie, la source de toutes les convoitises. Ce fruit est un élément constitutif de l’identité des Satéré-Mawé qui vivent au Brésil, en aval de Manaus. Pour obtenir le çapo, leur boisson sacrée, les Satéré-Mawé écrasent le bâton de graines torréfiées dans une calebasse remplie d’eau, à l’aide d’une pierre mythique prélevée dans la rivière. Cette boisson quotidienne, rituelle et religieuse, sera consommée par les adultes et les enfants en grande quantité.
L’esprit, la vie, le destin des 8 000 membres de ce peuple qui vit en 80 communautés sur une zone de 788 000 hectares aux sources des rios Andira et Urupadi se confondent avec le guarana, comme s’ils ne formaient qu’un seul et même être vivant. Ils le cultivent et fabriquent le breuvage qu’ils en extraient de façon traditionnelle : ces pratiques ancestrales sont contraires aux cultures intensives, aux clones, aux engrais chimiques, aux pesticides et à la mécanisation.
Depuis trois siècles et demi, le contact avec le monde blanc a engendré une grande instabilité économique, sociale et culturelle chez le peuple satéré-mawé. Du fait de la politique indigène officielle du Brésil, dont l’objectif était d’assimiler l’Indien, le gouvernement a créé le Service de protection de l’Indien, qui ne reconnaissait pourtant ni la culture, ni la langue, ni les croyances autochtones. La politique éducative du gouvernement demeure totalement opposée à la réalité des Satéré-Mawé et ignore leur histoire, leur lutte pour la reconquête de la liberté en tant que peuple. Cela contribue à aggraver la situation en provoquant des carences alimentaires et des maladies comme la tuberculose, dont beaucoup meurent encore. L’exode rural des Indiens est dramatique. Aujourd’hui des milliers survivent à grand-peine à la périphérie des villes, affrontant préjugés ethniques et chômage. Peu parviennent à se stabiliser et beaucoup se marginalisent, sombrant dans l’alcoolisme, la drogue, la prostitution. Enfin, l’intervention des partis politiques auprès des Indiens a contribué à la destructuration sociale, en raison des pratiques d’achat de votes et d’aides alimentaires en échange d’un soutien aux élections.
C’est en vue de réagir à ces faits que, le 15 septembre 1987, s’est créé dans la communauté d’Umirituba le Conseil général de la tribu satéré-mawé dont l’objectif est d’organiser ce peuple et de lutter pour ses droits constitutionnels : éducation différenciée, santé, reconnaissance de la culture, des croyances, de l’organisation sociale, jouissance exclusive du sol, de la faune et de la flore de ses terres. Ainsi s’est créé le « Projet Guarana » qui vise, via l’exportation de produits naturels, le renforcement de l’autonomie du Conseil et la protection du peuple.
Avec ce projet, les Satéré-Mawé donnent une leçon de gestion des ressources naturelles basée sur un usage durable. Un modèle concret de mise en œuvre d’une économie solidaire efficace, qui permet à chacun de comprendre l’impérieuse nécessité d’appliquer plus largement sur notre planète les principes du développement durable et les pratiques d’un commerce équitable. Le « Projet Guarana » associe aujourd’hui plus de 450 familles de producteurs qui exportent leurs produits naturels. Il s’inscrit dans la volonté de dénoncer l’ethnocide, de défendre les spécificités culturelles, de préserver l’environnement. Les bénéfices sont réinvestis dans des projets sociaux d’éducation, d’apiculture, de collecte des déchets, de formation de jeunes scientifiques…


Photographe et ethnocinéaste passionné par les cultures et les langues, Rémi Denecheau s’est rendu et a vécu dans plus de quarante pays sur les cinq continents. À l’issue de trois années de recherches, de voyages et de tournages en Amazonie brésilienne auprès des Indiens satéré-mawé et d’autres peuples de la région, il a produit, dans le cadre de sa société RDV Productions, un livre, un CD et un film qui portent le titre Les Héritiers du guarana. Il a ainsi publié un ouvrage rehaussé de photographies, dont le sous-titre Écologie et économie solidaire en Amazonie explicite qu’il compare notamment les méthodes du commerce équitable et de la grande industrie. Rémi Denecheau a aussi produit un CD de musique des Satéré-Mawé et du compositeur brésilien Youri Popoff, ainsi qu’un documentaire de 52 minutes qui soutient le combat de ce peuple et de son chef, Obadias Batista Garcia, donne la parole aux acteurs de cette économie autochtone et révèle par là même les évolutions, dérives, mythes et désillusions de l’économie de marché.




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