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En quête des derniers Araméens du Kurdistan turc
par
le jeudi 26 janvier 2006 à 20 heures 30


Il existe en Turquie orientale un endroit reculé, à l’écart des routes traditionnelles du tourisme, un endroit hors du temps. Le plateau de Tur Abdin est un lieu saint et magique du christianisme oriental, où vivent encore les derniers chrétiens de culture araméenne – l’araméen était la langue utilisée par Jésus et ses apôtres.
Cette terre sainte, située aux confins de la Turquie, entre le désert syrien et les hautes montagnes du Kurdistan, est restée longtemps entourée d’une aura de mystère. Les voyageurs et explorateurs européens ne s’y sont aventurés que tardivement, à la fin du XIXe siècle, découvrant ainsi des tribus chrétiennes que l’on croyait éteintes. Certains y ont même vu, à l’époque, une des tribus disparues d’Israël…
Ces communautés chrétiennes sont séparées de l’Église depuis la rupture monophysite du concile de Chalcédoine, en 451 ap. J.-C. Indépendantes de Rome et de Constantinople pendant des siècles, elles se sont intégrées au vaste ensemble arabe, puis turc, en servant de passerelle entre la pensée du monde hellénique et l’Islam. Aujourd’hui, leur patriarche réside à Damas. Au Moyen-Âge, les Araméens (ou Syriaques) ont envoyé des missionnaires jusqu’en Chine et en Inde. Leur zone d’influence s’est réduite comme une peau de chagrin pendant la période moderne, d’abord en Mésopotamie puis en Haute-Mésopotamie seulement, dans les limites de la Turquie moderne. Ils ont été victimes de discriminations (les Turcs les ont longtemps empêchés d’enseigner leur propre langue et de transmettre leur culture) et des massacres organisés en 1915, tout comme les Arméniens.
Riche d’une quinzaine de monastères et d’églises, dont les fondations remontent au début de notre ère (du IVe au VIIIe siècle), le Tur Abdin, « la montagne des serviteurs de Dieu », offre un complexe architectural unique, le mieux préservé du Proche-Orient, jonction entre le style des églises de Byzance aux arcades souples et fleuries et le style rigoureux du premier monachisme oriental. Au cœur d’un paysage de modestes collines, d’espace, de lumière et de couleurs, l’ocre de la terre et le vert des oliviers évoquent parfois comme une Toscane qui se serait échouée au bord du désert.
Comment les Araméens ont-ils pu préserver leur identité dans le monde musulman souvent hostile ? Qui sont-ils vraiment, futurs « Européens » d’une Turquie probablement un jour intégrée à l’Union ou bien « survivants » d’une Atlantide déjà oubliée ? Ne détiennent-ils pas dans leurs traditions le secret de l’unité Occident-Orient mise à mal par l’actualité ?


Sébastien de Courtois est né en 1974. Il a d’abord fait des études de droit avant de travailler comme juriste pendant plusieurs années, tout en voyageant au Proche-Orient. C’est par hasard qu’il a rencontré les derniers Araméens de Turquie orientale. Doctorant à l’École des hautes études en sciences sociales, il poursuit depuis ses recherches sur les diasporas araméennes en Europe. Il travaille notamment avec l’Unesco pour que le site de Tur Abdin soit inscrit au patrimoine mondial de l’humanité.
Sébastien de Courtois a écrit Le Génocide oublié : chrétiens d’Orient, les derniers Araméens (Ellipses, 2002) qui retrace l’agonie, entre 1880 et 1919, des dernières communautés araméo-syriaques des origines, ainsi que Les Derniers Araméens, Le peuple oublié de Jésus (La Table ronde, 2005). Son prochain ouvrage relatera, sur le mode du récit de voyage, l’itinéraire des premiers chrétiens partis au VIIe siècle évangéliser jusqu’à la Chine. Pour l’écrire, il a lui-même voyagé en compagnie de Pia Camilla Copper, sinologue, plusieurs mois de Paris à Pékin via la Turquie, l’Iran, l’Asie centrale et, enfin, le Turkestan chinois. En route, il a observé les traces humaines et archéologiques de ces chrétiens que l’on appelle communément « nestoriens ».




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Livre de l’intervenante en rapport avec cette conférence :
Les Derniers Araméens, Le peuple oublié de Jésus (La Table ronde, 2005)

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