Patagonie : le souffle de Darwin
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Immense territoire venteux dont la superficie équivaut à six fois celle de la France, la Patagonie s’étend à cheval sur l’Argentine et le Chili, coincée entre les océans Pacifique et Atlantique. Elle court de Puerto Montt, côté chilien, à San Carlos de Bariloche, côté argentin. C’est la base septentrionale d’un triangle dont la pointe, à l’extrême sud du continent américain, est le cap Horn. La cordillère des Andes s’y érige en frontière naturelle entre les deux frères ennemis mais, parfois, la nature n’offre pas de marque de séparation évidente : les champs de glace d’altitude, qui constituent la seconde plus grande réserve d’eau douce de la planète après la calotte antarctique, restent depuis cent ans la cause de tensions entre les deux pays. La chaîne montagneuse divise également le climat : le versant chilien, étroit et accidenté, se révèle aussi froid et humide que le versant argentin, vaste et plat, est chaud et sec.
Une géographie extrême a rendu la région mythique. Le climat est rude et imprévisible : les quatre saisons peuvent se succéder dans la même journée, et un vent violent souffle en permanence. La densité de population est très faible : 70 % de la population chilienne vit sur 20 % du territoire, c’est-à -dire autour de la capitale, Santiago. Les personnages associés aux grandes découvertes maritimes – Magellan pour le détroit, Beagle pour le canal, Horn pour le cap – ou à l’« andinisme » – Fitz Roy pour le massif – ont inscrit le nom de la Patagonie dans l’histoire de l’exploration. Au début du XXe siècle, la ruée vers l’or en Terre de Feu et la présence de Butch Cassidy et Sundance Kid, en fin de carrière, ont peut-être aussi contribué à forger son surnom de « Far West austral » qui, depuis, a attiré tant les Espagnols que les Écossais, les Allemands, les Croates, les Russes ou les Libanais.
La Patagonie fut une étape capitale pour le naturaliste Charles Darwin (1809-1882) au cours de son voyage scientifique de cinq années. Il y fit des découvertes décisives, notamment géographiques, en observant que les plaines y sont constituées de galets et de coquillages, comme des plages surélevées. Par ailleurs, après un séisme au Chili, il remarqua des bancs de moules au-dessus du niveau de la mer, preuve d’une surrection récente. Et plus haut, dans les Andes, il observa des arbres fossiles qui s’étaient développés sur une plage de sable, à proximité de coquillages marins. Et tandis que son trois-mâts, le Beagle, explorait les côtes sud-américaines, Darwin commença à théoriser sur les merveilles de la nature… Le cordon montagneux le plus austral de la cordillère des Andes, au Chili, porte d’ailleurs le nom du célèbre naturaliste anglais sur une péninsule à l’ouest de l’Isle Grande. Encore mal connue, elle abrite le point le plus élevé de la Terre de Feu, le mont Darwin (2 488 m), qui commémore ainsi le nom du célèbre naturaliste anglais auquel on doit la théorie de l’évolution.
L’idée de tourner un film en Patagonie, destination qui avait toujours fasciné Pierre-Marie Hubert, lui est subitement venue lors d’un entretien avec un ami scientifique qui lui annonçait que l’année 2009 commémorerait Charles Darwin. En se plongeant dans le journal de ce dernier, Voyage d’un naturaliste autour du monde, le réalisateur découvre que Darwin, en se lançant dans son tour du monde à bord du Beagle commandé par le capitaine Fitzroy, a parcouru ces immensités désertiques et qu’elles furent décisives dans l’élaboration de sa théorie de l’évolution. Ses descriptions sont tellement précises qu’il semble utiliser déjà une caméra virtuelle en lieu et place de son crayon de papier ! Pierre-Marie Hubert voit alors des images avant même de les avoir tournées…
Il ne lui restait plus qu’à parcourir ces mêmes espaces tellement grandioses à pied, en kayak ou à cheval, pour s’imprégner de cet esprit de découverte, couronné par les témoignages de spécialistes de Darwin, comme le professeur Patrick Tort. D’autres scientifiques viennent compléter des propos toujours passionnants : le chercheur Guillaume Lecointre et le glaciologue Bernard Pouyaud, témoignant de l’intérêt du monde scientifique pour ces espaces qui fascinèrent le naturaliste anglais bien avant qu’il ne parvienne au célèbre archipel des Galápagos, où il trouvera confirmation de sa théorie.
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DVD de l’intervenante en rapport avec cette conférence :
Le Souffle de Darwin, Patagonie
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