Découverte ethnobotanique du Sahara
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La région du Tassili n’Ajjer, située à l’extrémité sud-orientale de l’Algérie, et les massifs à proximité constituent le massif central saharien dans lequel alternent des zones sableuses et rocheuses. En période de sécheresse, quand il n’a pas plu depuis des mois, voire des années, on peut constater en direct les conséquences de cette sécheresse sur la végétation et la vie des habitants. Au contraire, quand la pluie survient, le paysage change du tout au tout : les dunes se couvrent d’une végétation éphémère et les plantes rabougries, épineuses et sèches, prennent des proportions inattendues.
Les effets de l’aridité des lieux, l’impact du manque d’eau chronique sont prégnants : la symbiose quotidienne entre le végétal et l’homme se dégage et cette prise de conscience est corroborée par les innombrables peintures et gravures rupestres qui retracent l’histoire ancienne des lieux. Il est évident que les habitants accordent une attention toute particulière aux phénomènes climatiques, aux plantes et aux arbres dont ils sont dépendants. Du fait de leur mode de vie et du nombre restreint d’espèces, ils ont acquis à leur sujet des connaissances approfondies et une perception singulière. Un dicton exprime ce que signifiait autrefois la présence d’anag : « Anag daw-as aman », mot à mot « Anag en dessous l’eau ». C’est-à -dire que l’anag signe la présence de l’eau dans le sol. C’est pourquoi les arbres et les plantes sont présents dans tous les domaines de la vie quotidienne. Le pâturage bien sûr, sans lequel il n’y a pas de troupeaux et encore moins de nomades. Mais aussi les usages alimentaires : on utilise les végétaux au maximum pour se nourrir, le troisième thé par exemple, si important dans cette partie du Sahara, sera selon la demande tour à tour aromatisé par telle ou telle plante. Les espèces aux essences aromatiques puissantes sont les plus prisées. D’aucuns auront recours à des lamiacées comme Teucrium et Lavandula. D’autres préféreront des astéracées comme Cotula, Nauplius ou Varthemia. D’autres encore ne jureront que par les armoises. D’autres enfin adopteront Ammodaucus, une apiacée. Non seulement choisies pour leurs qualités aromatiques, ces plantes sont de fait parmi les plus appréciées comme remèdes. Les plantes sont utilisées à la fois pour leurs propriétés thérapeutiques et dans les multiples activités domestiques, comme le tannage des peaux, aussi bien par les nomades que par les oasiens.
Ce monde et ces modes de vie si éloignés de nos habitudes nous interrogent et nous engagent à écouter tout en voyageant, en marchant, à remarquer l’implication du monde végétal dans la toponymie, dans la littérature, dans l’éducation des enfants, dans les récits, dans toutes les manifestations de la vie ordinaire. On entendra les échos de cette vie dans les devinettes, les proverbes, les bons et les mauvais présages. Arbres, arbustes, arbrisseaux, plantes, tels sont les vaisseaux, les artères, les veines où circule la sève, la vie dans ce corps désertique. Alhassane Ag-Soliman rapporte ce dicton du Niger : « L’enfant, quand il se fait couper les cheveux, doit les enterrer sous un arbre, car on dit que, tant que cet arbre sera vivant, lui aussi aura un cœur sensible. Si l’enfant laisse ses cheveux dispersés dans la nature, son intelligence disparaîtra comme eux. » D’une personne sensible, on dit qu’elle a le cœur humide. L’arbre vivant représente l’humidité, symbole de vie. « Aman iman », l’eau, c’est la vie !
Philosophe de formation et journaliste, Anne-Catherine Benchelah se rend dans le Sahara depuis 1993. Elle a publié des articles dans de nombreuses revues, parmi lesquelles Phytothérapie, Les Cahiers internationaux du symbolisme, Europe, Phréatique, revue pluridisciplinaire pour laquelle elle a dirigé des numéros spéciaux sur le désert et sur l’Algérie.
Dans le cadre de la formation qu’elle assure auprès de jeunes horticulteurs, elle anime aussi des ateliers d’écriture et organise des voyages avec ces jeunes en vue de la création de jardins maraîchers au Niger, dans l’Azawagh. Un ouvrage sur cette expérience est en cours.
Archéologue de formation, Marie Maka a participé à des missions archéologiques. Attachée de recherche au parc national du Tassili, en Algérie, de 1975 à 1989, elle a publié des articles liés à l’archéologie, à l’environnement et à la botanique saharienne, dans des revues comme Phytothérapie et Sahara, et donné des conférences sur le Sahara et son environnement.
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Livre des intervenantes en rapport avec cette conférence :
Arbres et arbustes du Sahara, Voyage au cœur de leurs usages
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