À l’escalade des sommets de la cordillère des Andes
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Traverser la cordillère des Andes par les plus hauts sommets de chacun des pays qu’elle domine, se laisser dériver vers le sud au fil de cette immense chaîne montagneuse, tel était le projet de Thierry Harzallah et de ses deux compagnons de cordée, François Cacheux et Jean-Philippe Malaquin. Colonne vertébrale de l’Amérique du Sud, la cordillère des Andes s’étend sur plus de 7 000 kilomètres du Venezuela à l’Argentine. Cette formidable surrection de l’écorce terrestre suscite bien des envies chez les alpinistes. Thierry Harzallah n’a pas résisté à son appel. Il découvre les Andes en Équateur en 1995 et succombe au charme de sa culture, vit au rythme de la marche et, coup sur coup, enchaîne deux autres expéditions, en 1997 et 1999.
En mars 2001, Thierry, François et Jean-Philippe s’envolent pour le Venezuela et sa Sierra Nevada. Leur premier objectif est le pico Bolivar, point culminant du pays. Il leur faut quatre jours au départ de Mérida pour atteindre les 5 007 m du pico Bolivar où trône fièrement le buste du héros de l’indépendance sud-américaine. Arrivés à Quito, en Équateur, ils plongent vraiment dans la culture andine et arpentent l’altiplano. Leur quête des hauteurs les mène vers le Cotopaxi, l’Illiniza Norte et, bien sûr, vers le maître des lieux, le Chimborazo (6 310 m). Depuis septembre 2000, l’économie mondiale empiète sur l’identité de l’Équateur. Sa mémoire, ses luttes, ses héros nationaux cèdent la place sur les billets de banque à Washington, Lincoln et Hamilton. Depuis la dollarisation de l’économie, le coût de la vie a augmenté et les conditions de vie des plus pauvres se sont encore dégradées.
Puis vient le Pérou, en mai 2001. Les Péruviens manifestent et militent, cyniques ou désabusés : plus de travail, moins de corruption, plus d’éducation, de modernité et de réussite individuelle. Garcia et Toledo rivalisent de promesses dans la course au fauteuil présidentiel. Dans ce climat électrique, Thierry, François et Jean-Philippe réalisent quatre ascensions dans la mythique cordillère Blanche, la plus spectaculaire et la plus attirante des cordillères andines. Au Huascaran, point culminant du Pérou à 6 746 mètres, de lourds séracs font prendre conscience aux grimpeurs de la fragilité de l’existence.
L’arrivée dans le chaudron bouillonnant de La Paz, en Bolivie, est une renaissance. Les trois Français y restent soixante-sept jours et y réalisent dix ascensions dont celle du Jallayco (5 100 m) dans la cordillère Real, du San Lorenzo (5 508 m) dans la Quimsa Cruz, du Licancabur (5 916 m). Des pentes du Sajama (6 542 m), apex de la cordillère Occidentale, ils admirent les paysages merveilleusement contrastés du Sud-Lipez : des lagunes aux couleurs irréelles survolées par des flamants roses, des sommets saupoudrés d’une couche de neige gardant les empreintes de quelque zorro (renard), des déserts où jaillissent des formes étranges sorties d’un imaginaire délirant, des vasques bouillonnantes aux odeurs nauséabondes et aux couleurs de l’enfer. Entre deux escapades, Thierry et ses compagnons se réfugient dans la rue Sagarnagha à La Paz, débordante d’activité, où se vendent amulettes, instruments de musique, churros, empanadas et fœtus de lamas. Là , dans les odeurs de cuisson et de viande crue, dans une symphonie de klaxons et de musiques criardes, ils oublient la grisante mais dangereuse solitude des sommets de la cordillère. Pour eux, La Paz reste un lieu magique.
Changement de décor à l’étape suivante. Au Chili, dans la région des Lacs puis sur les terres arides de la Puna de Atacama, les voyageurs n’ont d’autres compagnons que le vent et les guanacos. Ces terres inhospitalières ne laissent pourtant pas indifférent et, dans ces lieux d’une sobriété sans égale, l’esprit vagabonde à sa guise. C’est ici qu’on trouve le sommet du Chili, l’Ojos del Salado (6 893 m). Une fois encore l’ascension sera très éprouvante. L’oxygène, dans cette région et à cette altitude, est une denrée rare et précieuse. Pour la deuxième fois, Thierry Harzallah foule le sommet du plus haut volcan du monde.
Leur dernière étape est l’Argentine avec le cerro Bonnete (4 950 m) puis la « Sentinelle de pierre », l’Aconcagua (6 959 m). Réaliser son ascension au mois d’octobre est une entreprise difficile. Il faut se méfier des conditions météo à cette période et la neige encore présente rend le camp de base inaccessible aux mules de bât. De plus, les risques d’avalanche sont importants. Pour ces raisons, les gardiens du parc obligent les trois alpinistes à signer devant notaire une décharge de responsabilité stipulant qu’aucun secours n’est possible. Il leur faut ensuite attester leurs compétences à réaliser une ascension hivernale puis prouver que leur matériel est adéquat.
Au cours de l’ascension de l’Aconcagua, qui sera la plus difficile du voyage, le temps se gâte avec des vents supérieurs à 120 km/h qui interdisent un bivouac en tente. Blottis dans la cabane de bois du camp de base, Thierry, François et Jean-Philippe attendent des jours meilleurs. Le 7 octobre ils décident de partir pour le camp Nido del Condor, à 5 400 m, où, le vent étant trop puissant, ils poursuivent vers le refuge Berlin 450 m plus haut. Il leur faudra une heure pour dégager la neige qui s’est infiltrée dans cet abri de bois. Le surlendemain, sitôt que le vent faiblit, les andinistes partent pour le sommet. Cinq heures trente plus tard, ils sont sur le toit des Amériques, ultime objectif de la Transandine.
Au total, en sept mois, ils ont escaladé vingt-quatre sommets. Certes, toutes leurs ascensions ne sont pas « techniques » mais l’enchaînement, l’altitude élevée et les 55 430 m de dénivelé positif gravis font de cette aventure un vrai défi.
Voyageur et alpiniste, Thierry Harzallah sillonne les montagnes du monde depuis une quinzaine d’années. Envoûté par l’altitude, il a effectué une quinzaine d’ascensions à plus de 6 000 m et une à 7 500 m, en Amérique du Sud, au Népal, au Chine, au Pakistan et au Kirghizistan. Agent hospitalier et, depuis peu, accompagnateur en moyenne montagne, il aime partager sa passion par le biais des rencontres et de la photographie. Il a réalisé de nombreuses expositions à Dijon, sa ville natale, qui l’a soutenu à diverses reprises. Il a autoédité le livre Au fil des Andes et coréalisé un film sur l’expédition.
En savoir davantage sur :
Livre de l’intervenante en rapport avec cette conférence :
Au fil des Andes, Expédition transandine 2001
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