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Moissons himalayennes, le temps des femmes
par Marianne Chaud
le mercredi 13 février 2008 à 20 heures 30


À l’extrême nord de l’Inde, à la frontière du Pakistan et du Tibet aujourd’hui chinois, se trouve l’ancien royaume bouddhiste du Zanskar. Situées à près de 4 000 mètres d’altitude, au cœur de l’Himalaya, les vallées du Zanskar sont entourées de sommets qui dépassent les 7 000 mètres. Ce sont les vallées habitées parmi les plus hautes du monde, les plus isolées aussi. Lorsque l’on pénètre au Zanskar pour la première fois, on ne comprend pas comment des hommes peuvent survivre dans un environnement si hostile. Les villages oasis ont été gagnés sur les flancs de montagnes désertiques, arrachés à la sécheresse par de remarquables systèmes d’irrigation.
Au Zanskar, certains villages sont éloignés des autres de plusieurs jours de marche, contraints donc à une autarcie presque totale. Pour vivre, il faut tout produire soi-même, tout créer à partir du peu qu’offrent les montagnes. Pour vivre, il faut s’entraider, travailler sans relâche, du printemps à l’hiver, que l’on soit un enfant ou un vieillard, un moine ou un agriculteur, une femme enceinte ou une jeune mère. En trois mois seulement, d’août à octobre, les Zanskaris doivent récolter et engranger les subsistances de toute une année. En novembre, les premières neiges commencent à ensevelir les villages, paralysant pour de longs mois la vie extérieure. Ce sont essentiellement les femmes qui prennent en charge les récoltes. La plupart des hommes quittent le village l’été pour essayer de gagner de l’argent. Le temps des moissons est ainsi le temps des femmes. C’est aussi le temps de l’urgence. Les femmes travaillent sans relâche, de l’aube au soir, inquiètes de l’arrivée de l’hiver.


C’est le travail de ces femmes que Marianne Chaud a suivi avec sa caméra. De juillet à octobre 2006, elle est partie réaliser un documentaire, seule, dans le village de Sking. Avec ce film, elle a voulu proposer une immersion sensible et poétique dans l’univers des femmes du Zanskar pendant la saison particulière des moissons. Elle s’est attachée à elles, a suivi leurs gestes, leurs déplacements, leurs moments d’attente et d’ennui. Elle les a écoutées parler de leur vie, de leurs peines et de leurs joies. À travers ces femmes, elle a voulu rendre compte de la relation harmonieuse et fragile que les Zanskaris ont su créer avec la nature qui les environne. Cette relation exemplaire est aujourd’hui menacée par une nouvelle économie imposée par la présence de l’administration indienne et celle des touristes occidentaux toujours plus nombreux à visiter la région en été. Dans le village de Sking, l’un des plus isolés du Zanskar, l’impact de cette modernisation est encore peu sensible. Pour combien de temps ? L’Inde prévoit de construire une route carrossable qui traverserait le Zanskar du nord au sud et qui viderait certainement les villages isolés de leur jeune population, comme les routes l’ont fait dans d’autres régions du monde. Le documentaire de Marianne Chaud constitue ainsi un témoignage, un hommage à un peuple qui a su s’adapter à des conditions terriblement hostiles en développant une culture et une organisation sociale riches et élaborées.




En savoir davantage sur : Marianne Chaud 


DVD de l’intervenante en rapport avec cette conférence :
Himalaya, La terre des femmes (90 min, ZED, 2007)

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