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Quatre saisons pour traverser l’Himalaya à pied
par
le jeudi 18 janvier 2007 à 20 heures 30


Le terme sanskrit Himalaya signifie « demeure des neiges ». Les plus hautes montagnes du monde s’étendent sur 2 800 kilomètres à travers le Bhoutan, le Tibet, le Népal, l’Inde et le Pakistan. D’une largeur moyenne de 300 kilomètres, elles se rattachent au nord au plateau tibétain, à l’ouest aux massifs de l’Hindu-Kush, en Afghanistan, et s’effondrent dans la plaine indo-gangétique au sud. Elles servent de socle au toit du monde, l’Everest (8 850 mètres), et c’est en leur cœur que naissent l’Indus et le Brahmapoutre.
Olivier Soudieux et Carole Soubiran ont choisi de suivre le chemin des cimes pour découvrir l’arc himalayen. Le 21 mai 2003, ils se mettent en marche avec la volonté de traverser cette chaîne à pied, du Zanskar à l’Everest. L’itinéraire facile des premiers jours débute à 3 500 mètres d’altitude. Il les mène en moins d’une semaine au Zanskar, dont les vallées isolées par la neige plusieurs mois par an subissent un climat montagnard extrême. Le franchissement de sept cols et la forte tradition d’accueil des Zanskarpa sont une agréable entrée en matière. En cette fin de printemps, la neige fond et les torrents glaciaires débordent. Les Français connaissent l’effort mais aussi la joie d’accéder à des cols difficiles, défendus par le franchissement de cours d’eau impétueux. Après le col Phirtse-La, à 5 350 mètres, Carole Soubiran est emportée sous les eaux d’un torrent en crue. Un brin de corde permet à Olivier Soudieux de la ramener saine et sauve sur la rive.
Le hasard veut que le couple de marcheurs atteigne ensuite le bourg de Sangla le jour de Dakrin, une des plus importantes fêtes religieuses. Un jeune homme, Ashish, les prie de séjourner chez lui durant l’événement. De fait, la religion des Kinnauri étant propre à la vallée, un guide n’est pas de trop pour déchiffrer l’art, les croyances et les usages teintés de bouddhisme et d’hindouisme. Jusqu’à la nuit, les chants et les danses projettent les jeunes Français dans un autre monde où les dieux s’égaillent au rythme des palanquins.
La carte fournit des indications approximatives. Les hommes aussi. Si la langue n’est plus un véritable obstacle, les incompréhensions restent nombreuses faute d’avoir un mode de pensée commun. Après trois jours passés à chercher le col Tarekang-La, à 4 850 mètres, qu’ils ne parviennent pas à trouver, les voyageurs admettent que parfois l’intuition prime sur la carte et la boussole. Alors la sérénité remplace le doute : que ce soit dans une vallée ou une autre, les hommes sourient et le thé est bon !
Olivier Soudieux et Carole Soubiran atteignent le Garhwal. Au début du mois d’août, la mousson s’installe. À cours de nourriture dans les brumes du Bali Pass, ils cherchent un itinéraire sans idée de la direction à prendre jusqu’à ce qu’un orage les pousse à retourner au hameau précédent. Le guide qu’ils y recrutent est hélas incompétent et les mène sur des sentiers aléatoires et dangereux. Ils en viennent à se perdre. Les glissades successives les mènent en bas de roches polies qu’il est impossible de gravir. Trois jours d’errance, entrecoupés de bivouacs de fortune seront nécessaires pour retrouver un lieu habité !
Le 20 août, Carole Soubiran se blesse à la cheville pour la troisième fois. Rentrée en France pour trois semaines de soins, elle rejoint Olivier Soudieux à son entrée au Népal au début du mois d’octobre. Des affrontements ont juste eu lieu dans la zone et dans les villages du fief historique de la guérilla maoïste et parfois la peur se lit sur les visages. Les relations avec les maoïstes sont tendues, contrairement au reste du Népal. Les randonneurs forcent plusieurs check points, s’enfuient ou négocient leur passage… Mais l’accueil des populations reste extraordinaire.
De Dunai, au Dolpo, Carole Soubiran rejoint Pokhara pour s’y reposer pendant qu’Olivier Soudieux contourne seul le Dhaulagiri par le sud. Le couple se retrouve pour franchir le massif des Annapurna et, au début du mois de décembre, le Thorong Pass, à 5 400 mètres. Au lac Tilicho, la « grande barrière » n’a pas changé. C’est toujours le mur abrupt qui avait repoussé Maurice Herzog et ses compagnons de cordée en 1950. De la crête y dévalent toujours 1 500 mètres de glace. Le grondement des avalanches répond en écho aux craquements de la glace sur le lac. Il règne là une atmosphère de nature vraie, sauvage. Le couple contourne le Manaslu par le nord. Les espaces, désertés en cette saison, ont repris les couleurs de la solitude. Il franchit dans l’élan et la joie le Larke Pass, à 5 200 mètres. Au pied du col, une puja bat son plein. Quel bonheur, après l’épuisante descente, d’assister à cette cérémonie religieuse bouddhiste !


Au nord de Katmandou, Carole Soubiran arrête le voyage et laisse Olivier Soudieux poursuivre seul vers l’Everest. Le 24 février 2004, neuf mois et un jour après le départ, ce dernier atteint le camp de base de l’Everest, point final prévu de la traversée. Après 5 000 kilomètres, il a perdu ses repères : la nécessité de repartir le lendemain ayant subitement disparu, il s’installe seul au camp de base, le temps d’une sortie au milieu des blocs de glace dans la combe ouest. Le temps aussi de rassembler ses idées. Une semaine plus tard, il entame l’ascension de plusieurs sommets qui culminent entre 5 000 et 5 800 mètres. Seul, muni d’un unique piolet et de crampons minimalistes, il effectue ensuite les ascensions du Lobuche East (6 000 mètres) et de l’Island Peak (6 189 mètres). Deux occasions de découvrir en profondeur combien l’osmose avec de vastes étendues naturelles peut nourrir une vie. Enfin, lentement, sûrement, une idée s’impose : Carole l’attend en France, il est temps de rentrer !



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Livre de l’intervenante en rapport avec cette conférence :
Le Chemin des cimes, Quatre saisons en couple pour traverser l’Himalaya (2006)

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