Bivouac sur les rives du lac Baïkal (Russie)
Année 2005
© Thomas Goisque
Cachemire indien : Ladakh – Zanskar – Kashmir :
« Le contraste est violent entre nos journées d’efforts, de marche incessante, aiguillonnées par notre lubie de traverser intégralement l’Himalaya, et la quiétude de nos haltes. Purement nomades, nous sommes engagés dans une grande course contre la montre, contre l’hiver à venir, contre les centaines de kilomètres qui nous séparent du Tadjikistan, contre l’espace. Et tous les soirs, nous pénétrons un temps immobile, dans des sanctuaires d’éternité où la course des jours, les prétentions des hommes, tout désir et toute ambition grillent au soleil cru d’altitude sur le bûcher des vanités. Peu à peu, nous sommes pétris par cette ambiance et ce détachement, et notre anxiété du cours des choses devient totale sérénité. Faut-il franchir un col dans une tempête de neige ? Ne pas voir âme qui vive pendant trois jours ? Pénétrer dans une région interdite ? Nous abordons toutes ces difficultés sans états d’âme car nous avons pris l’habitude de ne pas avoir d’objectifs à court terme, ni de désirs bornés. Notre unique ressort est d’avancer, qu’importe le reste, pourvu que nous rencontrions, innovions, découvrions. Le danger aurait été de casser ce ressort, de nous enliser. Comme nous quittons le monastère de Ringdom, les moines qui observent le fond de la vallée récitent au soleil de leur terrasse cette pensée de Milarepa : “Tu fuis toujours ailleurs, mais ton désir de liberté et de savoir est illusion. Reste donc ici pour détruire les illusions de ton esprit.” Nous partons. »
Himalaya, Visions de marcheurs des cimes
(p. 96-97, Transboréal, ? Visions », 1998)