Florent Grange

Prologue :

« Je voudrais raconter les marches lointaines, envoûtantes, vers le Kangchenjunga, l’Annapurna, le Langtang, le Gosainkund et l’Helambu, l’Everest, le Manaslu, bientôt le Makalu? Décrire les vallées profondes et leurs villages bruissant de labeur et d’enfants, cette vie minutieuse, résiliente, si brave, éperdument accrochée aux flancs des plus hautes montagnes du monde. Témoigner de ce petit pays empli de tant d’espace, de ce pays si pauvre qui a tant à donner. Existe-t_il terre de plus grands contrastes ? Tant de dénuement et tant de sourires, tant de fragilité et tant d’énergie ! Les chaleurs écrasantes soudain balayées par un souffle glacial de neige et de vent ; les manteaux scintillants, moelleux, qui brusquement déferlent en monstrueuses avalanches ; les tremblements de terre, les rivières furieuses bondissant hors de leur lit, les glissements de terrain démesurés, les torrents de boue dévastateurs à la mousson. Puis ce silence, cet apaisement, la montagne immuable, immaculée sous le soleil. Et après chaque convulsion de la terre ou des eaux, même lorsque la nature a frappé, ces visages lumineux, bienveillants, ce labeur tranquille de fourmis, ces sourires à la vie?
Je voudrais parler des rencontres? Celles d’un jour qu’on n’a pas oubliées, celles qui depuis plus de quinze ans ont fait entrer le Népal dans nos vies. Notre grand Tenzin, la petite Tenzin Dolma, Tashi, Lombsang. Cheminer au fil des pages avec Pure, Domi, Rinji ou Bhim. Évoquer Yves, Sanjita, Kumar, leur sourire face à l’adversité. Bâtir, avec Sudip et Chemila, par de modestes pierres posées chaque année sur nos projets. Et jamais je n’oublierai Dillu, enfant de la lune exposé à toutes les agressions du soleil dans une vallée perdue. Dillu et tous les enfants de la lune du Népal, livrés à l’arbitraire de la maladie et de la pauvreté mais si pleins de vie et d’espoir, comme le sont les enfants. »