Tchinguiz Aïtmatov

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Fameux écrivain soviétique d’origine kirghize, puis diplomate russe.

Chapitre 11 :


« Tanabaï tournait en rond dans la steppe sans parvenir à mettre un terme à ses doutes. Il se rappelait les débuts du kolkhoze, il se revoyait promettant aux gens une vie heureuse ; et tous ces rêves qu’ils brassaient… Et comme ils avaient combattu pour ces rêves ! Ils avaient tout retourné, rebêché de fond en comble le vieux terreau. Et alors ? Au début, ça n’avait pas été si mal. Et ç’aurait été encore mieux sans cette maudite guerre. Mais maintenant ? Cela faisait belle lurette qu’elle était finie, la guerre, et l’on en était encore à boucher les trous de l’élevage, comme ceux de sa vieille yourte. On n’avait pas fini d’en rapetasser un coin que ça lâchait de l’autre. Pourquoi ? Pourquoi le kolkhoze n’était plus, comme autrefois, quelque chose à eux, mais une sorte d’appareil étranger ? Autrefois, ce que l’assemblée avait adopté avait force de loi. Ils savaient que la décision venait d’eux et qu’il fallait l’exécuter. Maintenant, les assemblées, c’était des parlotes, rien d’autre. Personne ne s’intéressait à vous. C’était comme si le kolkhoze n’eût plus été dirigé par les kolkhoziens, mais par un inconnu. Comme si, en tiers, on pouvait mieux se rendre compte de ce qu’il fallait faire, de la façon de prendre le travail, de mener la maison. Alors, la maison, ils te vous la tournaient et retournaient dans tous les sens et ça ne donnait rien de bon. Même qu’il en avait de sueurs froides quand il rencontrait les gens ; n’allaient-ils pas lui demander : “Alors, toi qui es du Parti qui a gueulé plus fort que tout le monde quand on a mis sur pied, ce kolkhoze, explique-nous voir ce qui se passe ?” Que leur dirait-il ? Si au moins on les réunissait et on leur expliquait le comment et le pourquoi des choses. Si on leur demandait ce qu’ils pensent, ce qu’ils ont sur le cœur, ce qui les soucie. Sûr que non ! Les chargés de mission qui arrivaient de la Région n’étaient plus les mêmes non plus. Autrefois, ils allaient voir les gens, n’importe qui pouvait les aborder. Aujourd’hui, ils se pointaient, secouaient les puces au président, entre les quatre murs d’un bureau, et le conseil municipal, ils ne lui adressaient même pas la parole. »


Extrait de :

Adieu Goulsary
(p. 142-143, Transboréal, « Nature nomade », 2023)

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