Pré Peyret, réserve naturelle des hauts plateaux du Vercors – Isère (France)
Année 2019
© Léopoldine Leblanc
Une main agissante :
« J’en suis persuadée : la beauté naît de l’effort, de l’application, du cœur et de la tête, des mains, des yeux qui ont exécuté l’ouvrage, du sens qu’il a pour moi qui l’ai fait et pour celui qui le reçoit. La beauté n’est ni fonction d’une taille ni d’une préciosité, pas nécessairement d’une modernité, d’une audace, d’une folie, ou au contraire d’une ancienneté, d’une tradition respectée, d’une technicité prouvée. Elle apparaît lorsque se combinent monde intérieur, sens, énergie, savoir-faire, dans un mouvement tendu vers l’autre. Je rêve d’opérer la mutation des impressionnistes qui, chevalet sous le bras, tubes de peinture, palette et pinceaux dans leur besace, s’en allèrent au bord de l’eau peindre ses reflets puis, sur le chemin du retour, s’arrêtèrent pour esquisser les fleurs des champs.
Plus que tout, la broderie a modifié mon rapport au monde, aux paysages, aux choses, aux idées, et mon lien aux autres. Je suis venue à elle pour briser le destin, aller ailleurs, claquer la porte, courir et m’échapper sur les plateaux de cinéma et dans le bureau des grands couturiers, dans les défilés de mode et les réserves des musées, aux portes de l’Académie, au pied des moraines arides du mont Turia. Petite main visitant des sphères et des coulisses où je ne reste pas, je vois ma part d’un travail qui va au-delà et que je peux désigner. »
Les Malices du fil, Petits démêlés sur la broderie et l’art d’orner
(p. 86-88, Transboréal, ? Petite philosophie du voyage », 2022)