Florence Debove

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Chevrière à Castellane dans le Verdon – Alpes-de-Haute-Provence (France)
Année 2017
© Marie Debove
Bergère dans les Pyrénées.

Les silences de la nature :


« Ici, en estive, quand je descends au village, je traverse une forêt de sapins immenses, puis une autre de noisetiers peuplés d’écureuils. Je passe rarement par le sentier, je préfère couper à travers bois. Une heure de marche entre les troncs. Une heure sans chemin, sans ciel, sans horizon. Juste moi, dans cet espace moussu et feutré, l’écho de ma respiration, l’humus retourné sous mes pas. Parfois un bruissement, un murmure, l’impression d’une présence qui m’observe. Je m’arrête et me retourne. Immobile et seule dans le monde végétal, je cesse de respirer pendant quelques secondes. Mais je ne distingue rien de particulier. Seulement le silence, quelques crissements de branches parfois. Un oiseau qui se pose, un frottement imperceptible, trois fines aiguilles tombent, je reprends ma marche.
Je suis comme envoûtée par la sensation d’être perdue dans cet univers sombre. Je crois d’ailleurs que c’est cela que je recherche, m’égarer dans l’inconnu et m’autoriser à divaguer, m’accorder la liberté d’avancer sans réfléchir, de découvrir sans frein. De ressentir des émotions que l’on évite généralement, comme la peur ou la vulnérabilité, et les apprivoiser, dans une moindre mesure, bien sûr, puisque je sais que je pourrai retrouver le lac en me dirigeant vers le nord. J’évolue en terrain presque hostile, j’évite les branches qui obstruent ma vue et entravent mes pieds, et je tente de m’habituer à tous ces sons furtifs et inquiétants, au rythme des pulsations de mon cœur dans mes tempes.
Une heure sans horizon mais je n’ai pas vraiment peur. Je sais que je ne percerai jamais le mystère de la forêt. Je peux seulement tenter d’en faire un peu partie. »


Extrait de :

Bergère
(p. 151-152, Transboréal, « Nature nomade », 2021, 4e éd. 2023)

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