Au sommet de l’Eichkopf – Vosges (France).
Année 2017
© Franck Buchy
Le mégalithe et les verriers :
« Nous sommes impuissants devant l’attraction des lieux. Nous ne choisissons pas nos coins préférés, nos paradis secrets, nos espaces privilégiés ; ils nous convoquent. Ils s’imposent à nous dans un silence qui dépasse l’entendement géographique. Nous ne faisons que nous incliner face aux paysages.
Les lisières me requièrent depuis ma naissance, et avec elles, la force centrifuge des périphéries. Je ne peux l’expliquer, si ce n’est que je suis un enfant de la protestation et de l’est. Ma force de Coriolis me pousse à regarder vers le levant.
Les orées me parlent d’une voix rassurante, celle qui habite l’avers. Elles m’appellent aussi par l’écho inconnu du revers. Mes perceptions n’y sont pas marginales mais cardinales.
Les bordures sont ainsi devenues mes destinations sentimentales parce qu’elles dissipent la fadeur, réassortissent les fragilités et consentent à s’oublier. Courir les lisières, c’est toujours dépasser des lieux communs ou construits. Elles empêchent de choisir et de se subordonner à un horizon unique.
Les marges m’offrent le temps d’avoir peur et d’éprouver l’insuffisance, ce que les cœurs du pouvoir interdisent. Elles donnent l’envie d’aller explorer toujours plus avant. On croit y être maître de son destin parce qu’elles permettent de se taire. »
Fugue au cœur des Vosges
(p. 42, Transboréal, ? Voyage en poche », 2020)