Saint-Louis – Haut-Rhin (France)
Année 2014
© Philippe Lutz
Quatre décennies dans le même village :
« Rien ne me prédestinait à m’installer dans un village. Je suis né dans une banlieue de Strasbourg que, certes, je n’ai jamais aimée. Mais j’aurais pu rêver de m’installer au centre-ville. Mon salaire, même s’il n’avait rien de mirifique, me l’aurait permis. C’était toutefois sans compter sur les souvenirs d’enfance et sur l’air du temps. De mes vacances à la campagne, chez ma grand-mère, j’avais gardé des souvenirs de sauterelles dans les prés, de balades en forêt, de premières cigarettes fumées en cachette, de feux de bois. Les week-ends familiaux passés dans une station de montagne des Vosges, où mon oncle possédait une résidence secondaire, avaient encore alimenté la fabrique de la mémoire. Nos années d’enfance sont notre patrie définitive. C’était l’époque où Antoine chantait les cheveux longs et les chemises à fleurs, et Maxime Le Forestier le charme d’“une maison bleue adossée à la colline”. Sous l’influence conjuguée, bien qu’improbable, de Mao, John Mayall et Marcuse, l’époque parlait de “retour à la terre”, de chèvres en Ardèche, de moutons au Larzac. Tout cela est bien connu. Comme d’autres, j’achetai donc une ferme, dans une commune de moyenne montagne, en Alsace. »
La Vie à la campagne, Petite défense des clochers, des vaches et des potagers
(p. 11-12, Transboréal, ? Petite philosophie du voyage », 2018)