Grasse – Alpes-Maritimes (France)
Année 2016
© Isabelle Grigne
L’empreinte de l’homme :
« En quittant ces petits sommets, j’allais à nouveau accuser le coup de projets troublés par la contingence et par les émotions vagues. Ayant perdu la joie simple de marcher chaque jour, j’allais devoir travailler avec à l’esprit ces paysages révolus, ne pensant qu’à repartir le plus régulièrement possible. Quand je ne sillonnais pas la ville à la recherche de nouvelles ruelles, traverses, venelles, raccourcis empruntés quand on veut prendre son temps, je quittais Grasse comme on s’enfuit. J’échappais à la multitude rendue compacte par l’été et la recherche du parfum idéal, de celui qui donnerait envie d’être dévoré par la foule. Je fuyais les visiteurs venus chercher l’exotisme des ruelles exiguës pour retrouver l’hospitalité des vallons et des monts qui s’agrippent à la mer.
Car rien ne m’ennuyait quand j’étais là-haut. Rien ne m’offusquait, rien ne me dégoûtait ni ne me révoltait. Ma nature entière était comblée et chacun de mes désordres se dissolvait dans l’ombre puissante et sylvestre des montagnes. Il y avait toujours dans la marche un passage, un moment où la vision s’amplifiait, où mon cœur se serrait : je n’aurais rien rêvé de plus troublant. Mon âme prisonnière en ville se révélait à elle-même, et dans le silence et la contemplation se contentait de se sentir encore vivante. »
Ermitages d’un jour, À pied dans les Préalpes d’Azur
(p. 15-16, Transboréal, ? Voyage en poche », 2017)