Sur le pont Qasr-el-Nil – Le Caire (Égypte)
Année 2013
© Ahmed Hassan Sami
Prologue :
« Et si les Égyptiens avaient raison de se lancer dans cette quête éperdue de l’amour, quitte à souffrir, quitte à regretter, quitte à divorcer ? Ouvrir pleinement son cœur, cela en vaut peut-être finalement la peine? Voilà maintenant cinq ans que j’arpente l’Égypte. Cinq ans que le journalisme m’offre un fabuleux sésame pour voyager dans les méandres de destins rares. Quelle autre profession permet de pénétrer tour à tour dans l’antre d’un cinéaste ou d’un homme d’affaires, de découvrir les secrets d’une danseuse du ventre, d’un peintre ou d’un cuisinier ? Mes dizaines de carnets accumulés depuis 2007 regorgent d’histoires, de confidences, d’adresses improbables. Que trop rarement pourtant j’eus l’occasion d’approfondir la confiance offerte ! Par faute de temps, le plus souvent. En réalité, j’ai vécu en Égypte le nez collé à la vitre d’un train, sans en descendre jamais vraiment. Je me contente de glisser sur les événements, satisfaite de l’illusion du mouvement. Le plus périlleux, lorsqu’on parcourt le monde, n’est-il pas de sauter du train justement ? La maîtrise de la langue arabe me permet certes de réduire la distance avec les personnes rencontrées, mais elle ne suffit pas. Plonger dans les entrailles d’un pays requiert de se départir de soi, de quitter le confort du temps comme celui de l’espace. Abandonner sa montre, son agenda, ne pas fixer de date au retour. J’avais été une journaliste voyageuse : il me fallait tenter de devenir vagabonde. Là où le voyageur glisse sur le monde, le vagabond pénètre la vague, regarde la vie de l’intérieur. Il était temps de m’atteler à répondre à cette question qui me hante : qu’est-ce que l’amour ? »
Amours, Voyage dans l’intimité des Égyptiens
(p. 10-11, Transboréal, ? Voyage en poche », 2015, rééd. 2021)