Thomas Fraisse

Une ligne de sentinelles :

« Et ne se trompe-t-on pas lourdement, quand, en se regardant dans le miroir on n’aperçoit qu’un paquet de chair, plus ou moins ferme ? Qu’en est-il de la course du monde, lorsqu’elle se fait sans nous ? N’en sommes-nous pas les premiers architectes ?
Certes, la nuit est épaisse et tenace. L’action, bien souvent semble impossible, vaine. Car l’avenir peut paraître bien sombre. Effectivement, il convient de l’avouer “capitaines, mes compagnons, voilà qu’elle est dure la nuit à venir” (Citadelle). Mais, s’il est des possibles à prendre en compte, il est un avenir à permettre. Et il ne tient qu’à nous. Il n’est que l’excroissance d’un présent vécu. Il nous faut prendre la voie franciscaine qu’enseigne Saint Exupéry, être le jardinier qui, du “poids de sa simple main repousse dans la terre, qui la prépare éternellement, la forêt primitive”. C’est la seule voie qui nous donne une chance, dans un même mouvement, de ne pas laisser notre humanité être grevée irréversiblement, et d’enclencher un changement que nous désirons tous. La cathédrale repose, entière, dans la première pierre posée, dans l’énergie de celui qui la porte. En même temps qu’il la scelle, cet ouvrier qui s’incline devant plus grand que lui, scelle son propre destin. Il se porte au-devant de lui-même, et prend conscience de sa noblesse. »