À moto quelque part entre Shimla et Leh – Ladakh (Inde)
Année 2009
© Antoine Dectot
Introduction :
« À la suite de René Guénon mais dans une perspective plus “guerrière”, il rejette en bloc, au nom des valeurs aristocratiques et sacrées qui imprégnaient les grandes civilisations traditionnelles, l’ensemble du monde moderne, de ses fondements premiers à ses idéologies les plus récentes. Ce monde, dans lequel le destin l’a jeté mais avec lequel il ne partage rien, lui apparaît comme totalement “privé de lumière”. Essentiellement quantitatif, il n’est orienté que vers le bas ; c’est un cercle fermé qui étouffe toute impulsion vers la transcendance, dans lequel aucune réalisation de soi-même n’est possible. Durant toute sa vie, dans plusieurs centaines d’articles et dans des dizaines de livres (dont le principal est Révolte contre le monde moderne), Julius Evola s’attachera à dénoncer, avec un courage et une cohérence rares, les tares de ce monde sans intérêt : matérialisme, rationalisme, “démonie de l’économie”, égalitarisme et individualisme, psychanalyse, néospiritualisme et existentialisme – pour n’en citer que les principales. À tout cela, il oppose sans concessions la primauté de l’esprit sur la matière et celle de la qualité sur la quantité, la hiérarchie, la “virilité spirituelle” et la Virtus. Et, plus concrètement, l’étude des doctrines ésotériques et initiatiques d’Orient et d’Occident, des mystères de Mithra au tantrisme en passant par le bouddhisme originel – doctrines auxquelles il consacrera pour certaines un livre entier –, lui a ouvert la perspective d’une autre vie, une “vie solaire et royale, une vie de lumière, de liberté et de puissance”, qu’il évoque dès 1926.
Mais Julius Evola n’appartient pas à cette catégorie d’intellectuels de salon et d’érudits livresques capables de disserter sur la liberté de l’homme – ou mieux sur le Grande Libération bouddhique – sans l’avoir vécue existentiellement, sans savoir véritablement de quoi ils parlent. “Connaître, pour nous, ne signifie pas ‘penser’, mais être ce que l’on connaît : en le vivant, en le réalisant. On ne connaît pas vraiment une chose tant qu’on ne peut pas transformer sa conscience en elle”, écrit-il dans un article sur le problème de la connaissance. Il va par conséquent chercher à vivre concrètement “une vie solaire et royale”.
C’est donc avec une Weltanschauung radicale et dans un contexte de tension intérieure, dans cette recherche d’une “plus-que-vie”, pour employer une expression qu’il utilisera toujours, que Julius Evola se met à pratiquer l’alpinisme. Il y trouvera exactement ce qu’il pouvait en attendre. »
[LORMÉHC1]
(Julius Evola, Les Éditions du Lore, 2006)