Bivouac dans un chêne – Vosges (France)
Année 2003
© Rémi Caritey
Une étonnante homonymie :
« Le karité est un arbre commun en Afrique de l’Ouest, réputé pour ses vertus cosmétiques et parfois culinaires. Né Caritey, j’évoque d’emblée, aux yeux de chaque Africain auquel je me présente, la figure de cet arbre dont l’extrait nourricier et odoriférant embellit traditionnellement l’épiderme et la chevelure des femmes. Cette homophonie surprend puis déclenche le rire complice de mes interlocuteurs. Amoureux des arbres tout autant que du continent noir, pouvais-je hériter d’un meilleur patronyme ?
Désireux de prendre racine en Afrique, je décidai, après plusieurs séjours dans les pays voisins, de m’établir en Côte d’Ivoire, avec mes appareils photographiques pour seul bagage. Quelques jours après mon arrivée à Abidjan, au détour des immeubles, l’apparition soudaine d’une imposante lisière d’arbres inconnus m’émut violemment. La profondeur et la densité de cette forêt entrevue étaient comme un cri, un écho, le chant d’un langage inconnu. Un immense et immémorial signe d’accueil semblait émaner de cette frondaison, balayant toutes les incertitudes de la traversée et proclamant l’arrivée à bon port, comme en un lieu familier, fondateur et pourtant oublié. Cette forêt, je l’appris plus tard, était celle du parc national du Banco. Quelquefois, la nuit, d’un boulevard, on pouvait voir des singes perchés dans les houppiers, évoluant dans des arbres rescapés de la forêt primaire, celle qui recèle le mystère de nos origines arboricoles et de notre évolution en Homo sapiens. »
Les Vertiges de la forêt, Petite déclaration d’amour aux mousses, aux fougères et aux arbres
(p. 11-12, Transboréal, ? Petite philosophie du voyage », 2011, 4e éd. 2023)