Parc Torres del Paine – Puerto Natales (Chili)
Année 2008
© Marie Foucard
Manchots droit devant ! :
« Et puis, sans crier gare, ce matin, une petite silhouette est arrivée à se frayer un chemin entre des glaçons. J’ai d’abord eu du mal à reconnaître la tête, le corps d’un manchot. Lorsqu’il est sorti entièrement de l’eau, juste devant moi, qu’il a écarté ses ailerons en guise de salutation avant de s’ébrouer, j’ai su que l’attente n’avait pas été vaine : ils arrivaient !
Quel port imposant possède ce drôle d’oiseau du haut de ses 70 centimètres ! Il a le ventre tout blanc, bien lisse, ses plumes brillent, encore ruisselantes de la longue navigation qu’il vient d’accomplir pour revenir en Antarctique. Sa tête est noire à l’exception d’une tache blanche au-dessus des sourcils qui relie les deux yeux. Il dodeline de la tête en pointant son bec orange vif de droite et de gauche. Pas de doute, mon premier manchot est un manchot papou !
Je voudrais crier ma joie, hurler de bonheur pour célébrer cette première rencontre tant attendue. Mais je crains d’effrayer mon hôte et je reste muette. Je découvre un manchot plus petit que dans mon imagination. Mais il est aussi plus humain ! Son habit noir et blanc a souvent été comparé au smoking d’un monsieur distingué qui se rendrait à une réception et c’est véritablement un être caricatural, en miniature, qui s’avance vers moi, avec toute la grâce et l’agilité d’un gentleman. Nous passons un grand moment à nous observer, à nous épier l’un l’autre. “Sûr, semble dire le papou, il ne faisait pas partie de la colonie, l’été dernier, ce drôle de mammifère !” Je reste immobile en face du manchot. Il semble rassuré et reprend sa marche jusqu’au tas de galets où il a élu domicile.
À partir de ce moment, la plage n’arrête pas de servir de débarcadère à toute une troupe de messieurs en habit qui reviennent prendre possession de leur colonie estivale. Un flot permanent de petits bipèdes émerge à travers les glaçons. Ils suivent tous le même rituel. Monsieur manchot sort la tête de l’eau pour un rapide tour d’horizon et s’assurer qu’il est bien arrivé à destination. Il en profite pour repérer l’endroit d’atterrissage le plus propice et saute sur le sol gelé. En trois bonds, il se hisse sur la neige où il peut enfin souffler, satisfait d’être de retour à la maison après une longue errance de six mois dans l’océan Antarctique. »
Voyage au pays des manchots
(p. 11-12, Atlantica, 2001)