Raymond Figueras

Une humanité nouvelle :

« L’illustre anthropologue et ethnologue Claude Lévi-Strauss déclarait en introduction de son ouvrage Tristes tropiques qu’il détestait les voyages et les explorateurs. Sans vouloir faire injure à la mémoire de ce grand savant, j’avoue modestement que moi j’adore voyager et que je suis attiré autant par la chaleur des tropiques que par le magnétisme des pôles. À ceux d’ailleurs qui me demandent amicalement d’où je viens, car mon teint de métis interroge, j’aime répondre avoir été mis au monde, tout bonnement, et que cela me convient. Il me plaît ainsi de parcourir sa rotondité depuis plus de quarante ans et mille lieux et vies sont en moi. Mes origines sont là où je suis, et peut-être se dévoilent-elles là où je vais. Changeantes et multiples comme ces racines et ces feuillages qui cherchent à la fois l’ombre et la lumière. L’haleine chaude des déserts, le vent glacial des montagnes, la touffeur humide des forêts ou la caresse bleutée des lagons donnent aux êtres de notre terre leur beauté. J’aime aller à leur rencontre, appartenir un instant et pour toujours à leur diversité. Parfois, dans cet incessant parcours, l’imaginaire et la réalité s’accordent pour offrir au voyageur imprévisible que je suis la quintessence de sa quête. Ma découverte de l’île de Siberut, située à 80 milles sous l’équateur et de la côte ouest de Sumatra, fait partie de ces moments magiques où d’un seul coup on se sent pénétré par le fluide vivifiant des rencontres primordiales, de celles dont on devine qu’elles vivront en soi, s’inscrivant dans la chair et dans l’esprit comme un tatouage d’éternité, un don et une promesse d’humanité nouvelle. »