Dans la vallée de la Katoun – Altaï (Russie)
Année 2011
© Émeric Fisset
De stlannik en raspadok :
« Nous n’avons fait que 8 kilomètres en dix heures. Quelle importance ? Personne ne nous attend. Sur l’herbe rase du plateau, nous avons tout loisir d’établir au mieux notre campement, de choisir le terrain le plus plat, d’orienter l’ouverture de la tente vers le soleil levant, d’assurer les piquets. Savina, déesse créatrice de l’aurore et du soir, orchestre un merveilleux crépuscule. Les brumes du matin ont disparu, chassées par le vent. Sur le rhumb kamtchadale, celui-ci est le bouikimig, la brise du couchant. Le soleil décline derrière le Karimski, dont le cône charbonneux prend des reflets de moire. Bientôt se lèvera la lune, kopeck brillant dans la diaprure des nues. Allongés sur la terre, les yeux plantés dans le ciel, nous nous écoutons vivre. Cette pulsation, est-ce l’explosion du volcan ou les coups de boutoir dans notre poitrine ? Et toi mon cœur pourquoi bats-tu ? Je bats pour ces moments qui justifient la vie. Cette plénitude de l’être sûr d’exister, pure maîtrise de sa propre force, dans l’entière satisfaction d’un corps soumis à la volonté, et que traverse le vaste chant du monde. C’est pour cela que nous sommes partis. Notre voyage n’a pas d’autre alibi. Nous n’allons pas observer les ours, compter les saumons, étudier les volcans, sauver les cultures autochtones en péril. Pas de sponsors, pas de mots d’ordre, pas de slogans. Quittant un monde alourdi de symboles, nous sommes simplement venus vivre. »
Kamtchatka, Au paradis des ours et des volcans
(p. 97, Transboréal, ? Sillages », 2007, rééd. 2014)