Village de Dah, vallée de l’Indus – Ladakh (Inde)
Année 2005
© Carine Rochez
Les moissonneurs ladakhi :
« Le sentier navigue au milieu des champs d’orge et de blé, roussis à point en cette fin d’été. Qu’il est doux, le bruit du vent qui fait ondoyer les épis ! Un régal pour un ingénieur du son, d’autant plus qu’en ces régions isolées nulle rumeur urbaine ne parasite le silence. En Europe, il est presque impossible d’enregistrer des sons de la nature sans entendre le bruit d’un avion ou d’un quelconque autre engin à moteur. Ici, on perçoit le chuintement des épis qui se frôlent, ondulant sous la brise comme une vague.
Qu’il est doux, le bruit du vent? soudain couvert par le chant rauque d’un homme qui s’élève dans un froissement d’épis coupés, et auquel répond la voix de deux femmes. Un groupe de paysans moissonne à la serpe un champ d’orge, en chantant pour se donner du cœur à l’ouvrage. Avec une grande gentillesse, ils nous accueillent parmi eux et se prêtent de bonne grâce à nos enregistrements, considérant d’un œil curieux notre lubie d’Occidentaux.
Les moissons au Ladakh s’échelonnent du mois d’août au mois d’octobre en fonction de l’altitude, et sont prétexte à retrouvailles. Des groupes de villageois, des familles ou des associations d’entraide pour le travail se réunissent afin de moissonner collectivement les champs des uns et des autres. Un meneur scande au rythme de ses mouvements un leitmotiv qui signifie “Allons-y, c’est facile”, repris en cœur par les autres moissonneurs. Il s’installe parfois une sorte de compétition amicale, où le meneur augmente le rythme progressivement en essayant de “semer” ses compagnons? »
Himalaya, Un voyage en musiques
(p. 20-21, Transboréal, ? La clé des champs », 2008)