Col de Shandur – Frontière du Nord-Ouest (Pakistan)
Année 2006
© François-Xavier de Villemagne
Le désir et la nécessité :
« En somme, ce que j’aime dans le voyage, c’est la promesse. Arriver, à la rigueur, il le faut bien quand on est parti. “Être arrivé”, c’est probablement le pire. Et si je préfère le voyage, c’est sans doute parce que, sur terre, les promesses sont rarement tenues.
J’aurais pu citer cela comme une des raisons de partir pour Rome. J’en ai mentionné beaucoup d’autres, depuis Pavarotti jusqu’à saint Pierre, en passant par Goethe et Virgile. Mais au fond, je sais qu’une seule les résumerait toutes et, si l’on ne m’accordait qu’un mot, je lâcherais : “Peggy”.
Peggy, c’était une Américaine d’une trentaine d’années, au visage lumineux et tendre, que je rencontrai deux semaines après la fin de mon périple vers Jérusalem, dans la tente d’un Bédouin, au sommet du mont Sinaï. Ce soir-là, dans la glaciale et claire nuit de janvier, la Terre éclipsa totalement la Lune. Au milieu de la nuit, nous étions sortis, le Bédouin et les quelques étrangers, pour admirer le spectacle. Bientôt, Peggy et moi nous blottîmes côte à côte sous quatre couvertures, adossés à la chapelle de Moïse, les yeux écarquillés devant les splendeurs de la Création. Chacun se confia. Je découvrais à peine le prix et les leçons de mon voyage, et Peggy en fut la première confidente. Elle évoqua sa propre quête d’absolu. Dans le ciel de plus en plus sombre, les étoiles de la Voie lactée s’allumaient peu à peu. L’ombre de la Terre avait fini de grignoter la Lune. Au lieu de disparaître, celle-ci prit une couleur orangée d’une nouveauté stupéfiante. Comme si, dans le ciel redevenu noir, brillait une boule de magma pas encore refroidi au lendemain de la création du monde. »
Pèlerin d’Occident, À pied jusqu’à Rome
(p. 85-86, Transboréal, ? Sillages », 2009 ;
? Voyage en poche », 2017)