Le mirage austral :
« Il n’était pas facile d’expliquer notre désir, et encore moins de le faire admettre : nous ne savions même pas où nous allions hiverner. D’abord attirés par l’idée de vivre sur nous-mêmes, de suivre le rythme imposé par six mois de nuit, nous modifierons par la suite notre conception d’un hivernage, au gré des lectures, des discussions, de l’imagination. Très vite, nous nous sommes rendu compte que la notion communément admise de six mois de nuit était fausse, même pour les pôles, où, pourtant, l’hiver dure le plus longtemps. Néanmoins, ce dernier restait pour nous sombre, froid et long. Nous le passerions à l’intérieur du bateau, refuge contre le froid glacial, vivant au ralenti jusqu’à ce que la notion du temps disparaisse. Fascinés par l’idée de la nuit polaire, nous passions des heures à gamberger sur l’état d’esprit qui en résulterait. Mais quand on nous demandait ce que nous allions faire, il était plus facile de répondre avec des exemples concrets : lire, bricoler, écouter de la musique, peut-être des balades à skis, car nous en avions plusieurs paires à bord, et sans doute quelques raids en été quand le soleil serait revenu. »
Le Grand Hiver, Damien II, base antarctique
(p. 17, Transboréal, ? Sillages », 2000)