Collection « Nature nomade »

  • Sagesse de l’herbe
  • Adieu Goulsary
  • Avec les ours
  • Bergère
  • Initiation (L’)
  • Un hiver de coyote
Couverture
Un visage de brebis têtue :

« Le troupeau déboule dans le vallon de la cabane. Les brebis jouent des épaules en courant dans le chemin pentu, se doublent en gueulant des bêêêê acharnés ; elles savent exactement ce qu’elles veulent : du sel, du sel, du sel ! Je savais qu’après la pluie elles en seraient folles, alors, pour ne pas me faire bousculer par mes furies, je l’ai déposé à l’avance sur de grosses pierres plates. Les premières à arriver à hauteur des tas de sel sont toujours les mêmes : un petit groupe de brebis âgées et puissantes, malignes et proches de moi. Je laisse le troupeau se jeter sur leur “or blanc” pendant que je les contourne jusqu’à la yourte, où je dépose sac et bâton. Mon chat vient à ma rencontre, il semble se réveiller. Je lui dis “Salut, Matoul”, et il me suit vers la cabane.
Noké est postée entre la cabane et le troupeau, ses yeux vifs fixés sur les brebis, et parfois sur moi pour voir où j’en suis. Elle attend l’ordre. Mais le moment n’est pas encore venu. Je donne les croquettes aux patous. Dans la cabane qui me sert d’infirmerie, je me prépare. Je mets un bleu de travail. J’attrape ma houlette. Sur le manche j’ai gravé un visage de brebis têtue. J’aime bien cette houlette, elle me donne la force d’attraper même les plus sauvages. Je vérifie les flacons dans le seau que j’utilise pour faire les soins. Tant qu’il n’y a rien de grave, je réduis ma pharmacie au minimum : couteau bien aiguisé, coupe-onglons, pince à épiler, morceau de tissu, désinfectant, argile, huile de cade, antibiotique, seringue. Le seau dans une main, la houlette dans l’autre, je me dirige vers le parc et me plante près de la porte que j’ouvre en grand. Noké est dans les starting-blocks, maintenant ce n’est plus le troupeau qu’elle fixe des yeux, mais moi. Elle ne me lâche plus.
“Vas-y, Nok.”
Libérée, elle fonce à l’opposé de moi, derrière le troupeau et, en quelques allers-retours autour des brebis, les fait entrer dans le parc. Je la félicite ; elle se poste sur un rocher qui surplombe les brebis encerclées par de grosses barrières en acier galvanisé, disposées en rond. Le Matoul la rejoint. Ils me font rire, assis tous les deux sur leurs fesses et perchés sur leur caillou : je comprends que ça y est, Noké a réussi à devenir sa mère. Elle doit être heureuse, fière comme tout, elle a tout ce qu’elle aime : la liberté de pouvoir courir dans la nature, ma présence, des brebis à surveiller et un chat en guise de progéniture. Ils attendent, complices, prêts pour le spectacle. C’est l’heure des soins. »
(p. 82-83)

Tout ce à quoi j’aspirais (p. 61-62)
Il est là tout près (p. 135-138)
Extrait court
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