Collection « Visions »

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Couverture
Océan Indien :

« Sept mai, 21 heures. Les amarres larguées, nous mettons cap à l’ouest, sur Vénus, l’étoile du soir. Le lendemain, nous traversons le détroit de la Sonde, en évitant les cargos et les ferries qui font la liaison entre Java et Sumatra. À l’aube se dessine l’île Krakatoa, célèbre pour son volcan, qui explosa en 1883 en provoquant un des raz de marée les plus meurtriers de l’histoire. Enfin, nous dépassons l’île Panaitan, la dernière terre d’Asie. Devant nous s’étendent les eaux bleu sombre de l’Indien. L’océan respire, soulevant Sao Mai qui avance dans la traînée incandescente du couchant, saluée par les bonds gracieux d’un dauphin. Dans la nuit, de gros nuages noirs envahissent l’horizon, nous plongeant dans les ténèbres. L’instant d’après, des éclairs zèbrent le ciel, le tonnerre gronde. Aveuglés, assourdis, nous sursautons à chaque éclat de foudre, noyés sous des trombes d’eau. Les feux Saint-Elme illuminent la pointe des mâts et l’antenne radio. L’air crépite autour de nous. Toute la fureur du ciel se reflète dans la mer, lisse en l’absence de vent. Recroquevillés, nous attendons qu’il revienne, le cœur battant : il est le seul à pouvoir nous délivrer. Nous resterons prisonniers huit heures ainsi. Quand le soleil se lève, tout s’apaise enfin. Au loin, deux baleines reprennent souffle, dans des gerbes d’eau. Le vent, lui, n’est toujours pas là. Nous venons d’entrer dans le pot au noir, où Sao Mai flottera, comme un vulgaire bouchon, voiles affalées, pendant une semaine.
Par 10° sud, le clapotis contre la coque nous annonce que Sao Mai avance : les alizés sont enfin là ! Tout semble renaître : sur la mer irisée semblable à du satin froissé, les poissons s’envolent ; une libellule solitaire voltige autour de nous ; plus haut, des fous de Bassan se sont posés sur les bambous de la misaine. Pour garder l’équilibre, ils sautillent d’une patte sur l’autre, une aile déployée, avant que l’empannage de la misaine ne les catapulte tous dans les airs ! Les dauphins aussi nous tiennent régulièrement compagnie. Nos journées sont ainsi rythmées par ces rencontres, qui nous ravissent et nous distraient. En mer, les événements les plus simples deviennent vite extraordinaires : déguster un pain chaud, contempler le lever du soleil ou croiser une tortue. Progressivement, nous prenons conscience de notre solitude. Entre les fonds de 5 000 mètres et le ciel ouvert sur l’infini, une place infime est laissée à Sao Mai, qui s’y faufile humblement… Au dix-neuvième jour, le vent forcit pour atteindre 45 nœuds dans la nuit. Très vite, les vagues se transforment en rouleaux, qui déferlent dans une écume éblouissante. Des murs d’eau s’élancent sur nous. Harnaché, le barreur lutte contre les éléments, attentif au vent pour éviter l’empannage. Le changement de quart devient périlleux, car il ne faut surtout pas lâcher la barre ! Brusquement, Sao Mai se couche sur le côté : une vague de travers a failli nous rouler ! Le bois craque, les poulies grincent, la vaisselle casse… »
(p. 46-49)

Mer de Chine (p. 12-13)
Océan Indien (p. 62-65)
Extrait court
Extraits d’articles
La navigation à bord d’une jonque
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