Collection « Nature nomade »

  • Sagesse de l’herbe
  • Adieu Goulsary
  • Avec les ours
  • Bergère
  • Initiation (L’)
  • Un hiver de coyote
Couverture
Tout ce à quoi j’aspirais :

« Chaque berger a ses habitudes de garde, des méthodes qui lui sont propres, développées d’après son expérience. Comme je n’avais encore jamais fait d’estive, je les guidais avec le savoir-faire que j’avais appris en colline. Il m’arrive d’avoir une poignée de sel dans la poche, que je donne dans ma paume tendue aux brebis les moins farouches. Cela me permet de les apprivoiser. J’essaie de ne pas guider sous la menace. Je suis constamment attentive à rester “crédible”. Je veux qu’elles aient envie de me suivre et que Noké ne soit qu’une aide pour donner la direction à l’ensemble du troupeau. Il est plus facile de mener si les brebis ont un intérêt à marcher dans mes pas. Je tente de faire en sorte qu’elles me fassent confiance, mais aussi qu’elles sachent que là où je les emmène elles mangeront bien. Qu’elles y trouvent leur compte.
Ce premier été m’a appris à habiter la montagne. Les brebis s’y déplacent comme dans leur maison, avec des zones de détente, de sommeil, de gourmandise ou de fraîcheur. Leurs habitudes sont très vite devenues les miennes. Étant donné que je passais chaque instant près d’elles, je ressentais les mêmes besoins, au même moment. Nous passions d’un commun accord à la source où je me désaltérais en même temps que les bêtes. Puis le troupeau faisait une pause, dont je profitais pour sortir un casse-croûte. Quand la fraîcheur du soir s’installait, je m’amusais à grimper et à explorer de nouveaux endroits, tout comme les agnelles intrépides. Je n’ai eu aucun problème à m’adapter à leur rythme. Au contraire : c’était à la fois relaxant et sportif. J’avais l’esprit en paix et le corps en mouvement, et c’était tout ce à quoi j’aspirais.
Au contact de la montagne chaque jour, j’ai pu commencer à établir mentalement un plan de pâturage. Les habitudes des brebis ainsi que la végétation m’ont permis de déterminer des “quartiers” de montagne, auxquels je donnais des noms lorsque je ne connaissais pas le leur en patois. Je me suis vite rendu compte des spécificités de chacun, et de la charge de travail qui en découlait. Il y avait des quartiers proches de la cabane qui demandaient peu de marche, d’autres qui me faisaient traverser la montagne de part en part ou imposaient une plus grande vigilance à Noké, afin d’éviter que des brebis ne s’échappent dans les barres rocheuses, par exemple. Enfin, j’ai déterminé les quartiers qui pourraient à l’avenir me permettre de laisser le troupeau quelques heures en autonomie, pour aller me ravitailler à pied au village.
Vivre dans cette montagne façonnait peu à peu mon corps, ainsi que ma capacité à m’y déplacer. »
(p. 61-62)

Un visage de brebis têtue (p. 82-83)
Il est là tout près (p. 135-138)
Extrait court
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