« Hors collection »

  • Dersou Ouzala
  • Tamir aux eaux limpides (La)
  • Julien, la communion du berger
  • Lettres aux arbres
  • 100 Vues du Japon (Les)
  • Légende des Pôles (La)
  • 100 Objets du Japon (Les)
  • Chemins de Halage
  • Vivre branchée
  • Solidream
  • Cap-Vert
  • Voyage en Italique
  • Esprit du chemin (L’)
  • Testament des glaces (Le)
  • Un rêve éveillé
  • Pouyak
  • Œuvres autobiographiques
  • Périple de Beauchesne à la Terre de Feu (1698-1701)
Couverture
001. Banquise d’Okhotsk :

« Sur la scène de glace et de neige tassée, six ados en tenue flashy entament une chorégraphie pétillante. Leurs tailleurs d’adulte, exhumés des placards de l’ère Showa (1926-1989), turquoise à broderie dorée, lie de vin, rose sérieux ou tigrés noir et cyan, ont un point commun : rayonner de couleur dans le blanc du paysage givré, suivant le tempo accéléré de Dancing Hero (Eat You Up) de Yoko Oginome, reprise du tube planétaire de la chanteuse anglaise Angie Gold et hit national d’il y a trente ans. D’autres groupes de danseurs se succèdent.
Les spectateurs emmitouflés du Abashiri Okhotsk Drift Ice Festival portent des tenues plus actuelles – vêtements techniques, grands manteaux d’hiver –, formant un bouquet compact qui se réchauffe sur la bande-son du Japon des années 1980, mêlant European beat, aux origines croisées de British dance-pop et d’italodisco, et HI-NRG (comprendre “high energy”). L’âge d’or du Japon d’avant la crise des années 1990 revit ainsi, par -8 °C, pour une parenthèse musicale au milieu de sculptures de glace immaculées.
Une partie de l’immense bloc taillé à la tronçonneuse représente le phare de la pointe de Notoro Misaki, à l’extrémité ouest de la baie qui abrite la ville d’Abashiri et se termine à l’est par la péninsule de Shiretoko [003], dont les montagnes ont également été façonnées avec minutie. Mais la sculpture qui se détache le mieux est le gigantesque pygargue de Steller, ce grand rapace de la banquise dérivante, qui donne à l’ensemble une touche amérindienne.
D’autres œuvres retiennent l’attention sur l’esplanade blanche, un quai métamorphosé par le long hiver qui souffle depuis la taïga sibérienne, atteignant Hokkaido après sa voisine russe, Sakhaline. Ciselé dans une glace translucide, un ours brun est figé devant son dresseur, tandis que les réalisations plus pâles de neige tassée souffrent de la douceur inhabituelle du climat. Le Snoopy endormi sur sa niche a moins de succès que les deux grands Minions devant lesquels parents et enfants font poliment la queue. Nipone est là aussi, la mascotte locale inspirée d’un clione, ce mollusque de 3 centimètres qui s’épanouit sous la banquise.
Mais l’attraction majeure de l’hiver est bien la glace. Particulièrement ces morceaux de banquise flottante, appelés drift ice, auxquels le festival est dédié. Formées à l’embouchure du fleuve Amour, entre la Chine et la Russie, les pièces glacées pénètrent dans le détroit de Tatarie avant de longer Sakhaline et s’engouffrer dans la mer d’Okhotsk, au nord de Hokkaido. Visibles sur l’horizon, dans le paysage aveuglant de bleu et de blanc, depuis le port d’Abashiri, ou, plus près de la côte, depuis la ligne de train littorale Senmo, les blocs se découvrent aussi directement en mer, en brise-glace. À bord de l’Aurora, ce même matin, malgré les bourrasques qui transpercent jusqu’aux os, les passagers se massent sur le pont arrière et dans les travées latérales. Leurs appareils photo sont déjà prêts. Une fois quitté le port, les animations joyeuses du festival et les mouettes qui se posaient en glissant sur la glace, la mer se fige rapidement. La surface n’est plus qu’une uniformité lisse, formant un miroir bleu délicat, qui se rompt comme une immense crème brûlée. Le bateau rouge et vert s’approche du liseré blanc épais.
En attaquant la banquise, le brise-glace crée des brèches en forme d’éclair dans lesquelles il s’engouffre par à-coups. Entre deux craquements terribles, une apparition colorée vient soudain distraire l’attention des passagers : sur de grands blocs de glace, avec leur plumage noir et blanc, ils semblent prendre la pose. Des pygargues de Steller ! L’un des plus grands rapaces au monde, une espèce vulnérable devant laquelle revivait tout à l’heure l’European beat du festival. Leur grand bec jaune apporte enfin une couleur chaude dans cet enfer glacé et lumineux. »
(p. 10-11)

012. Kakunodate (p. 39-40)
100. Île de Taketomi (p. 278-279)
Extrait court
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