Collection « Visions »

« Emmanuel Hussenet nous s?duit par son approche du Grand Nord. Le Grand Nord, que ce soit l?Alaska, la terre de Baffin, le Groenland ou l?archipel du Svalbard avec son ?le principale du Spitzberg, n?est pas pour lui un terrain de rencontres ou d?exploits physiques autour desquels il organiserait ses s?jours. Non. Son Grand Nord est un espace de r?flexion et de contemplation, le lieu privil?gi? d?un retour sur lui-m?me qui, par l??quilibre retrouv?, rendra possibles de nouveaux ?changes. S?affranchissant de l?effort mais sous la contrainte des ?l?ments, l?auteur se d?voile et recherche l?-haut les clefs qui ouvriraient ici les portes d?un avenir diff?rent.
Le Spitzberg reste hant? par les ambitions humaines qui, au fil des si?cles, ont connu l?-bas leur exaltation ou leur ordalie. Y voyager, c?est partager le souverain d?sir d?inconnu qui poussa Barents jusqu?aux limites du possible, mais sans prendre le risque d?abandonner sa vie aux confins des t?n?bres. Pour tous ceux qui suivirent la route du d?couvreur, chasseurs de baleines, trappeurs, explorateurs, le froid et la solitude ?taient le passage oblig?, la voie initiatique par laquelle l?Arctique, dans son myst?re, apporte toujours la lueur permettant d?oublier l?intransigeance de la pierre. Ainsi, l?histoire p?n?tre chaque lieu d?une pr?sence r?put?e improbable, se raconte ? qui prend le temps d??couter le silence et d?en soustraire la ma?eutique qui pr?side ? tout destin.
En d?pit du caract?re d?sert que pr?sente le haut Arctique, le voyageur n?est pas seul?: il est de connivence avec tous ceux qui, l?-haut, ont ?prouv? la solitude dans leur chair et jusqu?au tr?fonds de leur ?tre. Solitude du Hollandais Barents qui, apr?s avoir d?couvert l?archipel, succomba ? son hivernage forc? en Nouvelle-Zemble. Solitude de l?Autrichien Weyprecht ? bord du Tegetthoff, pris dans les glaces ? ces latitudes. Solitude du Su?dois Andr?e qui, en ballon, crut pouvoir atteindre le p?le Nord et p?rit aux blanches rives de Kvit?ya. Solitude d?Amundsen enfin?: ? bord du dirigeable Norge en 1926, il r?ussit l? o? Andr?e avait ?chou? mais mourut deux ans plus tard dans les secours port?s ? l?Italien Nobile. Cette derni?re fut sans doute la plus terrible au regard de l?histoire car aucune trace, piste ni vestige ne sont venus ?claircir les conditions dans lesquelles mourut l?illustre explorateur. Secr?te solitude enfin de l?Am?ricain Byrd, qui avait menti en pr?tendant avoir survol? le P?le. Pour peu que l?on cultive de tels souvenirs, et c?est le cas de notre baladin, l?on n?est jamais seul avec cette solitude.
Emmanuel Hussenet ?coute par ailleurs le chant qui monte des entrailles des inlandsis. Il est attentif aux galets de marbre comme aux saxifrages. Il observe l?envol d?une sterne et la couvaison des bernaches, croise les morses ou sympathise avec le renard. Tous sens en ?veil, il qu?te, dans la nature, des certitudes et ce qui, dans sa noblesse et sa puissance, pourrait servir notre humanit?, l?ennoblir. Presque chaque ?t?, le voyageur migre pour ?se nimber de lumi?re?, de cette lumi?re polaire qu?il restitue en ma?tre dans ses photographies. Face ? la grandeur des paysages et ? la beaut? des infimes d?tails qui les composent, il re?oit le gage de l?harmonie universelle. Nostalgique, Emmanuel Hussenet est le h?raut de la grandeur et de la puret?. Il est le chantre de la majest? des glaciers comme de la candeur de la mati?re, l? o?, ne cachant rien de son ?me, elle s?offre sans pudeur au soleil qui la bouleverse et lib?re l?eau cristalline et douce qu?elle rec?lait. »