Collection « Visions »

« J?ai rencontr? G?raldine Benestar et Pierre Neyret il y a une dizaine d?ann?es. Ils voulaient me parler de leurs voyages au Pakistan. Alors r?dacteur en chef de Montagnes magazine, j??tais d?sireux de faire d?couvrir ? nos lecteurs de nouveaux horizons. D??chapper aux articles convenus sur les montagnes du monde. De croiser d?autres regards. Je re?us donc volontiers ces photographes. Un rendez-vous a?priori bref au cours duquel nous allions regarder leurs clich?s et peut-?tre programmer une parution.
Il est toujours amusant d?observer, avec le recul du temps, l?instant d?une premi?re rencontre et la naissance d?une amiti?. L?entretien ne fut pas bref. G?raldine et Pierre parl?rent longuement de ces vall?es o? ils avaient s?journ? plusieurs mois. Villages isol?s, humanit?s ?mouvantes aux confins de labyrinthes min?raux. Ils ?voqu?rent leurs amis, l?-bas, dont la vie quotidienne est rude, mais qui transmettent une vraie joie quand ils vous accueillent. Il y avait d?j?, dans l?enthousiasme de G?raldine et de Pierre, l?expression d?un attachement et d?une fid?lit? ? contre-courant de ce que l?on croise quotidiennement dans les r?dactions. ? l?inverse de la plupart des journalistes qui veulent couvrir la terre enti?re et rapporter un grand nombre de reportages diff?rents, ces voyageurs voulaient repartir dans les Northern Areas, non pas pour rapporter des sujets en deux petites semaines mais pour y rester plusieurs mois. Prendre le temps d?observer, d?honorer des rendez-vous et de tenir des promesses. Pour eux, le nord du Pakistan n??tait ni un terrain de jeu, ni une source de convoitises photographique ou r?dactionnelle, mais une patrie de c?ur.
Les ann?es qui se sont ?coul?es depuis n?ont jamais d?menti cet engagement. Alors que le Pakistan devenait un ?tat paria du monde occidental, alors que les touristes d?sertaient les hautes vall?es sans se soucier du sentiment d?opprobre qu?ils engendraient, G?raldine et Pierre ont continu? leurs visites r?guli?res. Ils ont ainsi suivi les ?volutions locales?: ici une route qui d?senclave, l? une famille qui s?agrandit. Ils n?ont jamais renonc? ? d?fendre la dignit? et le respect de ces vall?es perdues. Pierre a continu? son m?tier de guide et de photographe, multipliant avec passion les s?jours dans le Karakoram et l?Himalaya?; G?raldine est devenue coordinatrice du festival annuel Le Grand Bivouac, ? Albertville. Je me souviens, apr?s ce premier rendez-vous, les avoir raccompagn?s en me disant que nous nous reverrions certainement, et que nous pourrions peut-?tre m?me devenir amis. Il en va des gens comme des hautes vall?es du Karakoram?: il faut prendre le temps de s?apprivoiser.
Ce livre est donc le fruit d?une longue maturation. Il est beau et touchant, par la qualit? de ce qu?il d?voile, par l??motion de chaque anecdote. Pour moi, il est unique parce que je sais le temps qu?il a fallu pour le concevoir, je sais la sinc?rit? des sentiments qui l?ont fait na?tre. J?aimerais donc, par cette pr?face, transmettre la petite musique inscrite en filigrane de chaque page, qui murmure la fid?lit? de deux auteurs ? un pays injustement m?connu. »