Collection « La cl? des champs »

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Couverture

Nationale?7, Un road-trip ? la fran?aise
Alb?ric d?Hardivilliers




??Entre les chambres d?h?tel, identiques d?Istanbul ? P?kin, et toutes les voix que nous ne comprenions gu?re, nous finissions pas trouver ? Roscoff et Saint-?tienne un caract?re d??tranget? aussi prometteur que Kashgar ou Aden. Nous avions envie de pouvoir r?entendre les gens, de pouvoir rattacher les paysages ? une histoire plus ou moins connue et l?id?e d?un voyage sans exotisme, ? l?exotisme d?flor?, ne nous d?plaisait pas. Ce que nous voulions aussi, c??tait retrouver la route et ses penchants?: cigarettes c?r?monieuses pos?es le long du jour comme des balises, vent chaud, cheveux poussi?reux, villes inconnues, et la chaleur surtout, qui br?le les derniers restes d?orgueil. Alors, quand il a fallu partir, nous n?avons pas h?sit? longtemps.??

Avec des photographies de : Matthieu Raffard
Avec une postface par : Pierre Stragiotti

« Les chemins de l?homme s?adaptent ? leurs territoires. Ils les refl?tent, par les formes qu?ils organisent, par les activit?s qu?ils engendrent, par les vies qu?ils attirent, qu?ils prot?gent ou qu?ils exposent. Ils les inscrivent dans le temps. Ils t?moignent des changements et des permanences. Ils sont les traces de l?homme. Des traces qui semblent traverser toutes les ?poques, rythmer les territoires, basso?ostinato. Mais des traces fragiles parfois? Rien d??tonnant ? ce que deux jeunes auteurs aillent voir du c?t? de la Nationale?7, route qui appartient pleinement ? notre patrimoine, et pas seulement depuis que Charles Trenet l?a chant?e.

De grandes routes sillonnent notre pays, pour parfois mieux l?inscrire dans l?Europe. Une d?entre elles est ce lien commercial majeur qui relie la M?diterran?e ? la mer du Nord. La vall?e du Rh?ne a vu, au fil des si?cles, se concentrer des flux de diff?rentes natures. Des foires c?l?bres y sont n?es, comme celle de Beaucaire. La vall?e de la Sa?ne, puis la travers?e de la Bourgogne et de la Champagne, marquaient la voie la plus simple et la plus directe pour rejoindre la riche plaine des Flandres et les ports de la mer du Nord. Mais c??tait compter sans l?attraction de Paris. Accompagnant la mont?e en puissance de la capitale, la route s?infl?chit alors vers elle. L?axe commercial devient une voie politique, g?opolitique dirait-on aujourd?hui.
De telles bifurcations redistribuent les cartes?; des villes y ont ?t? gagnantes tandis que les foires de Champagne ont peu ? peu disparu. La valeur d?un espace est conditionn?e ? son accessibilit?, c?est-?-dire non seulement ? la possibilit? de le rejoindre mais surtout, et de plus en plus, au temps n?cessaire pour s?y rendre. Que le contexte technique ?volue, et la route se d?place. La cr?ation du r?seau autoroutier a parfois d?class? nos routes nationales. Des villes jusqu?alors actives se sont endormies.
Mais imaginaire et m?moire collective n??voluent pas forc?ment ? ce rythme, et le symbole l?emporte sur la r?alit?. La Nationale?7 reste pour nous la route du soleil, des vacances, celle qu?empruntaient les Parisiens du Front populaire et de l?apr?s-guerre pour rejoindre les rives de la M?diterran?e. Et si nous savons bien qu?elle suit la vall?e du Rh?ne, sa moiti? septentrionale nous est beaucoup plus incertaine. C?est que nous ne faisons plus passer l?axe Paris-M?diterran?e par Montargis, Nevers ou Roanne. Nous savons d?ailleurs de moins en moins par o? il passe?! Et c?est ainsi que Charles Trenet r?invente la Nationale?7, ? qui il fait traverser la Bourgogne, qu?elle ignore, pour aller ? S?te, o? elle ne va pas. Mais qu?importe?! Aujourd?hui, r?alit? mat?rielle et terminologie changent?: la N7 a c?d? son r?le ? l?autoroute du Soleil?! La route doit savoir aussi ?tre le chemin du r?ve?

Il faut attendre le XVIIIe?si?cle pour que les routes remplacent les anciens chemins. Le corps des Ponts et Chauss?es est r?organis? en 1716, et la France des Lumi?res conjugue croissance ?conomique avec essor de la cartographie et am?lioration du maillage routier. La centralisation politique, entam?e par la monarchie et poursuivie par la R?volution et l?Empire, dote la France de grandes routes modernes, qui sont autant de rayons du soleil que veut ?tre Paris. Les anciennes routes royales sont devenues imp?riales, avant d??tre nationales. Avec la g?n?ralisation de la voiture, un nouveau monde se met en place. Il a sa technique (garages, pompes ? essence?), sa bible (le Guide Michelin), sa temporalit? (la vitesse) et sa fa?on d?y ?tre (individuelle et libre). Un nouveau rapport au paysage en surgit, indissociable de la photographie.
Elle aussi pratique individuelle, la photographie illustre d?une certaine mani?re la perception qu?a l?automobiliste ? travers le cadrage oblig? de la vitre, ou du r?troviseur. La distance au paysage n?est plus impos?e comme elle l??tait par le chemin de fer, qui privil?giait forc?ment les lointains et les panoramas. On peut d?sormais aller au plus pr?s des choses et des gens. Seul. Comme l?ont fait Alb?ric et Matthieu avec Chuky ou Romain.
La route peut ?tre une coupure dans le paysage. Elle peut aussi provoquer la quasi-disparition de l?espace parcouru entre les lieux de d?part et d?arriv?e, annihil? dans un espace-temps que l?on souhaite le plus contract? possible. Mais elle peut ?tre recherche, retrouvailles, acceptation. Elle peut ?tre d?couverte d?un univers sp?cifique, celui de la route, avec ses personnages, ses d?cors et ses? codes?! La route nous offre une succession de vues, autant d?instantan?s, parfois inattendus, qu?il nous appartient de savoir remarquer. Elle nous renseigne sur notre soci?t? et ses valeurs, esth?tiques ou humaines. Au volant de notre automobile, nous avons souvent l?impression que les choses viennent ? nous, dans l?ordre impos? par la route. Les auteurs ont ici adopt? l?attitude inverse. Ils ont troqu? la passivit? du conducteur pour aller au-devant des lieux et des gens.
Chaque mode de transport produit son espace et sa vitesse. D?une route con?ue pour la vive allure et d?o? les r?ves s?absentent, ce livre a extrait des temps de pause, rendus par les textes et les photographies dans une po?tique retrouv?e de la rencontre.

On voit bien, dans le voyage auquel nous sommes convi?s, que les d?cors changent. Notre vieille Nationale?7 a bien souvent pris des allures autorouti?res dans lesquelles son identit? semble parfois se dissoudre. C?est souvent une impression de d?j?-vu, de monotonie qui s?en d?gage. Les m?mes abords et les m?mes bas-c?t?s. Les m?mes entr?es de ville rat?es, avec les m?mes zones commerciales, les m?mes hangars de t?le aux m?mes couleurs criardes abritant les m?mes enseignes.

Dans ses tron?ons les plus r?cents, la Nationale?7 appara?t plus ferm?e sur elle-m?me qu?elle ne l??tait il y a quelques d?cennies. L?espace semble se rigidifier, la route est devenue un couloir, enserr? par toutes ses infrastructures techniques. La domestication se fait plus manifeste.
Mais derri?re cette dimension appauvrie, fragile aussi d?une certaine mani?re, des vies ont su, plus ou moins facilement, avec plus ou moins de bonheur, tisser des liens avec cet univers et se l?approprier. Entre d?tachement et totale implication. Dans les interstices, les creux, les d?laiss?s des ing?nieurs et des am?nageurs. Si la route permet la mobilit?, elle retient aussi parfois. Et ce sont ces vies retenues, dans la pudique intimit? des lieux qui les abritent, qu?avec humour et tendresse Alb?ric d?Hardivilliers et Matthieu Raffard nous donnent ? voir. »

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