Collection « Sillages »

  • Népal
  • La 2CV vagabonde
  • Ísland
  • Habiter l’Antarctique
  • Cavalières
  • Damien autour du monde
  • À l’ombre de l’Ararat
  • Moi, Naraa, femme de Mongolie
  • Carpates
  • Âme du Gange (L’)
  • Pèlerin de Shikoku (Le)
  • Ivre de steppes
  • Tu seras un homme
  • Arctic Dream
  • Road Angels
  • L’ours est mon maître
  • Sous les yourtes de Mongolie
  • Cavalier des steppes
  • Odyssée amérindienne (L’)
  • Routes de la foi (Les)
  • Aborigènes
  • Diagonale eurasienne
  • Brasil
  • Route du thé (La)
  • Dans les pas de l’Ours
  • Kamtchatka
  • Coureur des bois
  • Aux quatre vents de la Patagonie
  • Siberia
  • Sur la route again
  • À l’écoute de l’Inde
  • Seule sur le Transsibérien
  • Rivages de l’Est
  • Solitudes australes
  • Espíritu Pampa
  • À l’auberge de l’Orient
  • Sans escale
  • Au pays des hommes-fleurs
  • Voyage au bout de la soif
  • Errance amérindienne
  • Sibériennes
  • Unghalak
  • Nomade du Grand Nord
  • Sous l’aile du Grand Corbeau
  • Au cœur de l’Inde
  • Pèlerin d’Orient
  • Pèlerin d’Occident
  • Souffleur de bambou (Le)
  • Au vent des Kerguelen
  • Volta (La)
  • Par les sentiers de la soie
  • Atalaya
  • Voie des glaces (La)
  • Grand Hiver (Le)
  • Maelström
  • Au gré du Yukon
Couverture
Le retour – Damien est revenu ! :

« Les glaces, les îles subantarctiques aux richesses inépuisables sont loin. Loin dans le sillage, et sous ce soleil tropical de la dernière route de Damien, de Rio de Janeiro à La Rochelle, on douterait presque de leur existence. Nous avons plusieurs milliers de milles et pas mal de journées devant nous pour les revivre tranquillement, en toute intimité, en tirer des leçons, des projets et des espérances avides. Bien sûr, ce n’est plus le grondement des Latitudes solitaires mais c’est bien le même chant, le même bercement qui nous accompagnera jusqu’au port après ces quatre années et demie de vagabondage autour du monde : l’eau contre la carène, la vague contre le flanc, le murmure du vent dans les voiles. Un voilier, la mer et deux garçons. Nous avons le temps, nous prendrons le temps, beaucoup plus de temps qu’il n’en faut théoriquement pour couvrir 4 000 à 5 000 milles d’océan. Et cette dernière route deviendra un nouveau voyage, le voyage à la mer, qui atteindra des résonances et des extases qui nous détacheront de tout ce qui n’est pas eau, vent, oiseau, soleil, bateau. Au fil des jours, il deviendra comme le vol des albatros qui, après un décollage lourd et maladroit, n’en finissent plus de planer lorsqu’ils ont trouvé le vent.
Le 18 juillet 1973, nous quittons la baie de Guanabara et après un dernier coup d’œil au Pain de Sucre, nous regardons vers la route qui nous attend. Il n’y a pas à se faire d’illusions : certainement elle sera lente. Outre les courants défavorables, il faut remonter dans le vent à peu près jusqu’en Europe. Cela donne plusieurs options au navigateur mais celle de longer la côte brésilienne semble la plus défavorable et nous l’éliminons d’office. Selon les pilot charts, les probabilités de rencontre avec un cyclone sont assez élevées. À partir de l’équateur, nous consulterons un peu le baromètre. Reste le fameux pot au noir que nous croiserons plus de 7° au-dessus de l’équateur et que nous traverserons à bonne vitesse sous les classiques trombes d’eau et malgré quelques calmes très lourds. À l’endroit où nous le passerons, sa largeur est donnée à 500 milles. Plus tard, nous rencontrerons des calmes interminables qui nous immobiliseront parfois quarante-huit heures au même endroit. Ces secteurs sont estimés à 11 % de calme par les pilot charts américains.
Le second trait frappant de cette route est l’incroyable pollution découverte sur l’Atlantique. Il ne se passe pas de jours que nous ne croisions des déchets en plastique de toutes sortes, de toutes formes. Lors des calmes, nous montons dans le mât pour effectuer un recensement de ces déchets miroitant au soleil. Cette navigation en égout nous inquiète.

Dans une traversée, il y a toujours un rythme à trouver ou bien, si l’on veut, il faut adapter son propre rythme à celui du coin d’océan où l’on navigue. Tout est différent selon qu’on se trouve en région froide ou chaude, selon que la traversée sera longue ou courte, et bien évidemment plus on reste longtemps sur l’eau, plus on rencontre de choses, plus on en découvre. Certaines traversées sont si brèves qu’on se retrouve au port avec l’impression d’un manque. Même en additionnant six ou sept traversées d’une semaine on n’obtiendra jamais le même résultat qu’une traversée de six ou sept semaines. Physiquement d’abord, il y a un temps d’adaptation nécessaire. Souvent on commence juste à se sentir profondément bien dans sa peau quand précisément l’escale est en vue. Ensuite, je crois qu’on ne peut pas saisir la respiration de la mer en quelques jours, et surtout s’y fondre. Moralement, enfin, il faut toujours un certain laps de temps pour se détacher de la “pollution terrestre” et revenir aux choses qui, vues de la terre, peuvent paraître n’avoir aucune dimension, mais qui sont en fait l’essence même de la vie, parce qu’elles sont dépouillées de tout artifice. Je veux parler des réactions face aux nuages inquiétants ou rassurants, du souci du vent, de l’usure de son matériel, d’une phrase du livre qu’on est en train de lire, de la sauce à laquelle on accommodera la daurade, le thon ou le wahoo pêché à la traîne, de la mer et de son “truc” (pour fasciner autant, elle a un truc, c’est sûr !). Naturellement, ce ne sont pas là des vérités absolues et chacun réagit selon son tempérament. Il n’empêche que la majorité des gens qui naviguent avouent se sentir transformés par les longues navigations. C’est peut-être, tout simplement, qu’en mer on prend le temps de vivre. »
(p. 595-597)

Le délire amazonien – La misère au soleil (p. 209-210)
Damien tête en bas – Survivre (p. 286-287)
Extrait court
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