Montagne :

« Ainsi, la montagne centre-asiatique est avant tout un pôle de répulsion et l’a toujours été. Il faut faire un effort sur soi-même pour s’engager dans ces espaces démesurés, inhospitaliers et parfois mal famés, comme le Pamir actuel. Ceux qui vivent dans ces solitudes descendent de réfugiés chassés vers ce bout du monde. Ils connaissent la mésaventure des marmottes de la steppe, qui de nos jours survivent à 3 500 mètres. Au fil de millions d’années, elles sont restées dans un sol qui s’est exhaussé de 3 kilomètres : il a bien fallu s’adapter ! Cela a donné, des Pamiris aux Kirghizes, une race de fer, mais également une humanité solidaire, hospitalière avec ses pauvres moyens, plus démocratique aussi. La femme jouit ici des mêmes droits que l’homme, même s’il arrive qu’on l’enlève dans sa jeunesse. Et quelle vivacité d’esprit, quelle force de caractère hantent parfois les djaïloo ! Là-haut, on est berger, indépendant et fier, on n’est pas la brebis que l’on exploite. Je me souviens de cet aksakal kirghize, sec et vif, l’œil perçant sous les sourcils broussailleux, l’air de quelqu’un qui ne s’en laisse pas conter : “Que pensez-vous de notre président ?” Une question qu’en Asie centrale je n’ai jamais entendue qu’en Kirghizie. Il y a dans ces montagnes une société patriarcale, fidèle à ses racines, au culte des morts : ces derniers disposent tout naturellement pour l’éternité de maisons “en dur” comme ils n’en ont jamais eu au cours de leur vie pastorale, passée sous la yourte. La seule architecture nomade est donc celle des tombeaux. »

Aral (p. 6-9)
Déserts (p. 46-49)
Extrait court
Extraits d’articles
La mer d’Aral