Collection « Sillages »

  • Treks au Népal
  • La 2CV vagabonde
  • Ísland
  • Habiter l’Antarctique
  • Cavalières
  • Damien autour du monde
  • À l’ombre de l’Ararat
  • Moi, Naraa, femme de Mongolie
  • Carpates
  • Âme du Gange (L’)
  • Pèlerin de Shikoku (Le)
  • Ivre de steppes
  • Tu seras un homme
  • Arctic Dream
  • Road Angels
  • L’ours est mon maître
  • Sous les yourtes de Mongolie
  • Cavalier des steppes
  • Odyssée amérindienne (L’)
  • Routes de la foi (Les)
  • Aborigènes
  • Diagonale eurasienne
  • Brasil
  • Route du thé (La)
  • Dans les pas de l’Ours
  • Kamtchatka
  • Coureur des bois
  • Aux quatre vents de la Patagonie
  • Siberia
  • Sur la route again
  • À l’écoute de l’Inde
  • Seule sur le Transsibérien
  • Rivages de l’Est
  • Solitudes australes
  • Espíritu Pampa
  • À l’auberge de l’Orient
  • Sans escale
  • Au pays des hommes-fleurs
  • Voyage au bout de la soif
  • Errance amérindienne
  • Sibériennes
  • Unghalak
  • Nomade du Grand Nord
  • Sous l’aile du Grand Corbeau
  • Au cœur de l’Inde
  • Pèlerin d’Orient
  • Pèlerin d’Occident
  • Souffleur de bambou (Le)
  • Au vent des Kerguelen
  • Volta (La)
  • Par les sentiers de la soie
  • Atalaya
  • Voie des glaces (La)
  • Grand Hiver (Le)
  • Maelström
  • Au gré du Yukon
Couverture
La cueillette du thé :

« Nous vivons le séjour à Ya’an comme une renaissance : c’est presque un second voyage qui débute. Contrairement au Yunnan et à ses vingt-cinq minorités nationales, la région de Ya’an est très majoritairement peuplée de Han. Mais comme Pu’erh, Ya’an est entourée de théiers renommés depuis des siècles, qui constituent la source de la route du thé et des chevaux du Sichuan.
Nous choisissons de nous rendre dans le massif montagneux de Mengding, qui culmine à 1 456 mètres et est situé dans le comté de Mengshan, non loin de Ya’an. Enveloppée de nuages presque toute l’année, jouissant d’un climat humide et de deux cent vingt-cinq jours de pluie par an, cette zone constitue un environnement idéal pour la culture du thé. Durant la dynastie Tang, les jardins de thé plantés sur les pentes des cinq sommets des monts Mengding sont décrétés “royaux” et le thé produit devient de fait un tribut réservé à l’usage exclusif de la famille impériale. Ces feuilles n’étaient donc pas à destination des Tibétains mais leur renommée a permis de maintenir une cueillette et une transformation sur un mode ancestral, qui pique notre curiosité et nous pousse à visiter ces plantations.
La plantation se présente comme une immense forêt composée de petits arbres dépassant rarement 1,50 mètre de haut. Leurs troncs, épais et tortueux, sont le signe d’un âge plus avancé que ne le suggère leur taille. À l’état sauvage, les théiers peuvent atteindre 15 à 20 mètres de haut. Lorsqu’ils sont cultivés, ils sont maintenus à 1,20 mètre environ par des coupes régulières, pour former ce qu’on appelle une “table de cueillette”, qui facilite la récolte manuelle et favorise la croissance des bourgeons. La récolte se fait à la main. Les jeunes filles sont les cueilleuses les plus habiles car, dit-on, leurs mains prélèvent sans abîmer. La collecte ne porte en effet que sur les jeunes pousses, voire uniquement sur les bourgeons pour les thés les plus rares. Sur le mont Mengding, on sent bien que les exploitations sont familiales. Pas de travailleurs migrants ici, ce sont les propriétaires eux-mêmes qui vont au champ. Les feuilles et bourgeons sont déposés dans une hotte en osier, identique à celle que chaque paysan utilise dans la vie quotidienne. La récolte des bourgeons est fastidieuse et le panier ne se remplit donc pas très vite. Les boutons, restés en dormance pendant l’hiver, ont repris leur croissance au printemps et produiront les meilleurs thés de l’année.
Une fois sa hotte remplie, le cueilleur rejoint l’atelier de transformation, où la récolte est pesée et échantillonnée en vue de l’évaluation de sa qualité. Puis les feuilles sont déposées à même le sol du hangar de ces manufactures familiales. Dans certaines exploitations et selon la météo, les bourgeons fraîchement récoltés sont étalés sur des plateaux de bambou et laissés quelques heures sous le soleil printanier afin qu’ils perdent une partie de leur eau. Ce séchage primaire limite les phénomènes d’oxydation. Dans les autres fabriques, les feuilles sont directement orientées vers la torréfaction. En inactivant les enzymes présentes dans les feuilles fraîches par chauffage, cette étape va définitivement arrêter l’oxydation, préserver les inestimables polyphénols, réduire voire éliminer la saveur végétale de la feuille fraîche et libérer les arômes. Vient ensuite le roulage qui va casser les cellules végétales des tissus foliaires et faciliter l’infusion du thé. Le séchage, dernière étape de fabrication d’un thé vert, assure sa parfaite conservation et développe de nombreux composés aromatiques nouveaux.
Le thé vert est prêt, la transformation est finie. Nous notons que le balai est un des outils les plus utiles, tant les feuilles passent au sol de manière récurrente d’une étape à la suivante. Pas de problème, ce n’est pas de la terre battue, mais un béton relativement lisse ! Nous n’avons observé aucune zone de conditionnement, et ne savons donc pas sous quelle forme ce thé est vendu. De plus, il ne semble pas qu’il fasse l’objet de spéculation, contrairement au pu’erh. On dit que, de nos jours, les Tibétains apprécient grandement ce thé vert, du fait de son fort arôme, qui se marie bien avec le beurre de yack. Personnellement et modestement, ce thé nous fait un peu penser à une tisane de plantes au goût très complexe. On y discerne en effet une multitude d’arômes différents, qui lui confèrent une subtilité particulière. La première impression est un thé fort en bouche. Le bouquet se déploie dans un second temps et s’achève sur une saveur douce aux notes de noix. Enfin, ce thé dénote par sa couleur jaunâtre rehaussée de reflets rouges. L’accueil dans les usines est chaleureux et le personnel n’est pas peu fier de nous présenter les machines, le processus de fabrication et, bien sûr, le résultat final que nous dégustons juste après séchage.

Nous sommes à cette occasion une nouvelle fois frappés par les similitudes entre l’art du thé et celui du vin. Sur le plan de la dégustation d’abord, le thé est classifié sur la base de son terroir et de la variété de Camellia sinensis dont il est issu : assamica, sinensis ou cambodiensis. Ces variétés, complétées par des dizaines de cultivars, sont des équivalents des différents cépages de la vigne. L’art du thé distingue les grands crus qui se bonifient avec l’âge et les thés de table, consommés quotidiennement. Théophiles et œnologues ont en commun le plaisir de la dégustation et l’expertise générale sur le breuvage. Comme pour le vin, il existe un véritable art de vivre le thé, témoin vivant d’une culture locale non mondialisée. Les cérémonies japonaises, extrêmement codifiées, célèbrent l’admiration du beau par opposition aux vulgarités de la vie quotidienne. Au Maghreb, le thé sucré à la menthe est offert en signe d’hospitalité au visiteur. Les Russes consomment des thés fortement aromatisés et longuement infusés tandis que les sujets de Sa Gracieuse Majesté y ajoutent un nuage de lait. La classification du thé est complexe et les grands crus se monnaient à des prix incommensurables. De quoi faire tourner la tête…
Sur le plan de la transformation ensuite, elle est aussi simple que celle du raisin et a été maîtrisée avant notre ère. Elle permet une conservation relativement longue. Dans les régions productrices, les familles ont souvent leur théier sauvage où elles vont cueillir périodiquement des feuilles. La maîtresse de maison procède alors à un séchage rapide au wok, puis laisse les feuilles une journée au soleil. C’est prêt !
Enfin, sur le plan de la culture, le théier comme la vigne sont des plantes qui durent et perdurent. Les plus vieux théiers connus auraient près de mille ans ! Voyant les cueilleuses avec leur hotte, on se croirait presque aux vendanges. Les gestes sont les mêmes : cueillir, remplir la hotte, aller la vider, et ainsi de suite…
Et de manière très localisée, le mont Mengding nous a rappelé le cœur des régions viticoles. Ce terroir, circonscrit à une proéminence naturelle du terrain est majoritairement couvert de théiers. La colline est sillonnée par une route jalonnée de maisons de thés où l’on peut déguster et acheter. Celui qui a déjà parcouru une route des vins de notre belle France s’y croirait ! »
(p. 189-218)

Les plantations de Pu’erh (p. 47-49)
Au contact des moines (p. 254-257)
Extrait court
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