Collection « Sillages »

  • Treks au Népal
  • La 2CV vagabonde
  • Ísland
  • Habiter l’Antarctique
  • Cavalières
  • Damien autour du monde
  • À l’ombre de l’Ararat
  • Moi, Naraa, femme de Mongolie
  • Carpates
  • Âme du Gange (L’)
  • Pèlerin de Shikoku (Le)
  • Ivre de steppes
  • Tu seras un homme
  • Arctic Dream
  • Road Angels
  • L’ours est mon maître
  • Sous les yourtes de Mongolie
  • Cavalier des steppes
  • Odyssée amérindienne (L’)
  • Routes de la foi (Les)
  • Aborigènes
  • Diagonale eurasienne
  • Brasil
  • Route du thé (La)
  • Dans les pas de l’Ours
  • Kamtchatka
  • Coureur des bois
  • Aux quatre vents de la Patagonie
  • Siberia
  • Sur la route again
  • À l’écoute de l’Inde
  • Seule sur le Transsibérien
  • Rivages de l’Est
  • Solitudes australes
  • Espíritu Pampa
  • À l’auberge de l’Orient
  • Sans escale
  • Au pays des hommes-fleurs
  • Voyage au bout de la soif
  • Errance amérindienne
  • Sibériennes
  • Unghalak
  • Nomade du Grand Nord
  • Sous l’aile du Grand Corbeau
  • Au cœur de l’Inde
  • Pèlerin d’Orient
  • Pèlerin d’Occident
  • Souffleur de bambou (Le)
  • Au vent des Kerguelen
  • Volta (La)
  • Par les sentiers de la soie
  • Atalaya
  • Voie des glaces (La)
  • Grand Hiver (Le)
  • Maelström
  • Au gré du Yukon
Couverture
Décembre :

« L’occupant de la cabane n’est d’aucune chapelle. Il est malgré lui l’ennemi de tous les systèmes parce qu’il n’en sert aucun. Il a, pour un temps au moins, le vertige de la civilisation et désire s’entourer de nourritures non frelatées. Il va de fait contre la folie de l’époque. Si son inclination spirituelle avait quelque chose de religieux, il serait éventuellement animiste. S’il décidait d’en avoir, les tempêtes, les chants des oiseaux, les rocs seraient ses dieux. Les dieux d’un païen.
La cabane est née de la matière première du lieu où le bâtisseur l’a élevée. Pareille à la forêt elle est abri, refuge. Elle aussi fait partie du Grand Tout. Elle s’est ancrée dans le paysage, comme par le fruit d’un compromis entre une nature profuse et les nécessités de l’homme. Son toit s’est couvert des feuilles tombées. Faits de planches ou de rondins mal écorcés, ses montants ont pris la couleur grise des hauts fûts qui l’entourent. Ils ont été débités dans le corps de l’arbre, prélevés d’abondance sur la ressource. Par le recours à la simplicité de sa construction, par sa manière de se fondre dans l’environnement, la cabane est à la fois de toutes les époques et en avance sur son temps. Elle démontre que chacun peut construire un monde à sa dimension et le borner de façon raisonnable. Que l’on brise toutes les machines, et la vie de cabane n’en souffrira en rien.
Qui n’est pas séduit d’emblée par la cabane ? La cabane engendre son mythe. Elle est à elle seule la survivance du paradis perdu. Elle porte en elle un monde qui semble ne plus exister. Mais cette vie existe elle aussi. Au présent. Non pas aventure au sens d’exploit mais au sens de parti pris anachronique. Aventure parce que, pour le voyageur de passage, tout abri de fortune est transitoire et le bout de la route est marqué du sceau de l’incertitude. Elle fut le recours ultime de gnostiques ayant considéré avec horreur l’instinct grégaire de leurs semblables, de mystiques ivres de radicalité, contraints de se terrer à l’écart du monde connu. Encore que ces derniers fussent plus tournés vers Dieu et les hypothèses célestes que vers la Terre et ses fruits tangibles.
Je ne sais si quelque parenté me lie à cette longue cohorte de marginaux. Je suis certainement un peu semblable à ces novices que leurs maîtres, les guidant sur le chemin de l’accomplissement spirituel, envoyaient pour une brève durée à l’écart du monde agité s’aiguiser l’esprit au contact d’une grotte glaciale ou d’un désert torride. La solitude était une étape cruciale de l’initiation, la réclusion était la meilleure amie des pèlerinages.
La vie frugale situe un homme dans son choix, dans son degré d’appartenance ou de non-appartenance à un certain monde, dans sa déviance, dans sa volonté d’anonymat. Voilà pourquoi j’habite ma cabane avec une détermination tranquille. Tout entière, elle est le reflet fidèle de ma personnalité. Elle est l’alliance de l’esprit agreste et du naturel. Pour l’homme rustique, le retard est une avancée spectaculaire, et la cabane l’idéal de résidence. Tout comme l’appel de la forêt, son corollaire, la rusticité est dessinée en moi, elle a ses racines au plus profond, elle a certaines choses en horreur. Elle s’impose comme une évidence et démontre les bienfaits de l’austérité comme elle fuit les pièges de l’abondance. Faire de la cabane non plus un simple point d’ancrage mais le huis clos d’une existence chaque jour recommencée relève d’un choix plus drastique. »
(p. 110-111)

Octobre (p. 38-40)
Janvier (p. 122-124)
Extrait court
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