Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • L’Engagement humanitaire
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
Un compagnonnnage fécond :

« L’oiseau nous accompagne en effet toute notre vie. Il s’invite dans nos rites de passage, de la cigogne qui annonce les naissances au vautour guettant la mort. Il incarne une passerelle entre imaginaire et réel, quand, au terme d’un vol long-courrier, le premier regard que l’on croise alors que l’avion ralentit sur la piste est celui d’un héron, d’une buse ou d’une corneille, ou lorsque le chorus matinal des merles transperce le volet encore fermé au petit matin. N’y retrouve-t-on pas un peu la métaphore de la colombe apportant le rameau d’olivier à Noé ou l’image de la huppe annonçant la reine de Saba à Salomon ? Il faut bien que l’oiseau ait quelque chose de véritablement spécial pour que, de la mythologie au petit geste quotidien, sa simple présence rassemble notre imaginaire et notre environnement, comme un repère qui nous permet d’interpréter le réel à l’aune de notre vie. Le dicton fait ainsi prédire un orage au jardinier lorsque les hirondelles rasent la terre de son potager, et l’expérience lui révélera que le pinson change de cri à l’approche de la pluie : sa note aiguë, qui tinte d’habitude si clairement au faîte d’un cyprès, s’éraille alors, comme enrouée par l’humidité – les heures qui suivent lui donnent bien souvent raison. Lire le temps dans les oiseaux n’est pas une folie de devin ou de druide ; la pression atmosphérique, les courants ascensionnels et le régime des vents sont autant de contraintes aérodynamiques qui dirigent leur vol ou celui de leurs proies. Que le ciel se charge de gris ardoise au-dessus des montagnes, et l’on verra les grands planeurs – vautours, aigles ou buses – fuir vers la plaine devant l’orage. À l’inverse, dès les premières rafales d’une dépression océanique surgissent de nulle part les croix blanches des albatros, oiseaux de tempête qui excellent à se jouer des embruns mais que le calme plat rive à la surface de l’eau.
Il serait néanmoins injuste de réduire la richesse de ce que nous communique l’oiseau à un bulletin météorologique. Écoutons un instant l’étourneau perché sur l’antenne hertzienne du toit voisin. Ce n’est, les premières secondes, qu’un fouillis de grincements, de craquements, de notes flûtées ou sifflées sans ordre apparent, improvisation qui ignore les canons de la composition musicale. Mais, en se concentrant un peu, on discerne dans cette douteuse partition quelques morceaux connus. La voix puissante du loriot. Un appel de chevalier culblanc reproduit à la perfection. Le début d’une mélodie de bouscarle si réaliste qu’on en vient à se demander si le petit roncier au fond du jardin n’en cacherait pas une. Les modulations de l’étourneau ressemblent de plus en plus, à mesure que l’on s’y intéresse, à un florilège de chants et cris des oiseaux d’Europe, dans lequel pourra s’intercaler la sonorité liquide d’un bulbul d’Afrique, le miaulement d’un martin triste asiatique, l’aboiement d’un chien ou le timbre électronique d’un téléphone portable. Sans même lui faire quitter son balcon, l’étourneau emporte le citadin à demi endormi dans sa chaise longue à travers marais et bocages, lui rappelle cette nature qui existe là-bas, au-delà du béton, et le fait divaguer encore plus loin, au sud du Sahara ou dans les forêts himalayennes. Ces associations de pensées vers lesquelles me conduit un oiseau du quotidien me rassurent aussi lorsque j’erre dans une contrée lointaine. Alors que je chemine le long de l’Indus, me frayant un passage entre les argousiers qui bordent une grève de galets polis par le fleuve, j’entends résonner un trille aigu que je connais bien. Quel chant peut bien m’être familier sur les hauts plateaux du Ladakh, à des milliers de kilomètres de chez moi, enclavé entre les sommets himalayens ? J’avance un peu et découvre sur une vasière un petit échassier replet, au dos et à la poitrine bruns et aux courtes pattes jaunes. Il a ce regard à la fois doux et inquiet des petits limicoles, toujours aux aguets d’un éventuel prédateur, prêts à s’envoler. Je m’assieds, il reprend confiance, se remet à farfouiller dans une vasque boueuse. Je reconnais alors une scène coutumière, celle du bécasseau de Temminck en halte migratoire sur les bords de la Loire, entre Orléans et Tours : le retrouver ici, lui et moi en voyage à des milliers de kilomètres de chez nous, scelle un point d’accroche au monde connu comme pour me permettre de mieux m’acclimater. »
(p. 21-24)

Façons de voir (p. 55-59)
Communauté de destin (p. 77-80)
Extrait court
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