Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • L’Engagement humanitaire
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
Convivialité :

« Au bistrot, les habitués apprécient d’être reconnus et les inconnus un accueil cordial. “Là-bas, comme ils sont gentils !” s’extasient les touristes français à leur retour. L’accueil serait-il le point faible d’un pays qui érige la convivialité en art de vivre et grave Fraternité sur ses frontispices ? Les bars de New York étaient plus intéressants que mes préjugés et j’ai observé en Turquie de jeunes paysans aux pieds nus apporter le thé avec d’infinies précautions, tel un trésor, se mettant par conséquent eux-mêmes en valeur. Dans les cantines de Chine, le thé est gratuit et l’on m’a parfois offert un plat de nouilles, tant la présence d’un “long-nez” à l’accoutrement bizarre et l’expression maladroite semblait divertissante. Que penseraient mes hôtes en lisant “Verre d’eau payant” ou “Toilettes réservées à la clientèle” ?
L’accueil standardisé des chaînes multinationales témoigne de la formation du personnel, mais ne vaut-il pas mieux une convivialité simulée qu’un accueil sincèrement désagréable ? Parfois, la brusquerie du patron crée une complicité inattendue : dans un bar-restaurant d’Auvergne, j’ai observé un odieux octogénaire surnommé “Louis de Funès” qui houspillait son épouse, ses filles et ses employés impassibles, multipliait ordres et contrordres, laissait tout en plan pour accueillir les clients avec déférence puis harcelait de plus belle le service. Sa tyrannie suscitait des regards d’empathie et resserrait visiblement les liens de l’équipe. Quelques estaminets anciens et bars à vins récents affichent une rudesse de rigueur, en dignes héritiers d’Aristide Bruant. Ce chanteur tavernier a conquis sa popularité en insultant le public : “Tas de cochons ! Gueules de miteux ! Tâchez de brailler en mesure. Sinon fermez vos gueules.” Le patron bougon voire caractériel – mais au cœur d’or – joue la star du cinéma français (Jean Gabin, Un singe en hiver ; Gérard Depardieu, Uranus). Rudoyer révèle un jeu entre amis, prouve l’intimité. Dans un bar à vins près de la Bastille, la patronne s’empresse de servir les inconnus et laisse les habitués poireauter au comptoir, privilège paradoxal.
Qu’inspire aux patrons la notion de convivialité ? Nombre d’entre eux ont choisi le métier pour cette raison : “Je tomberais, si je ne voyais personne !” soupire Yvonne Cormier. À 65 ans, au lieu de prendre sa retraite, elle achète un minuscule estaminet à Saint-Calais, “pour recevoir du monde”. De même, le café Sineau à Saint-Bomer – gaz, tabac et timbres-poste – comptait une seule table rectangulaire et des bancs. Les clients se poussaient pour convier le nouvel arrivant à s’asseoir, aidaient la patronne au tire-bouchon. À 85 ans, Madeleine Sineau hésitait à prendre sa retraite tant elle aimait les visites. Dans son langage imagé, la Mère Lapipe, tenancière d’un bistrot mythique au Mans, résume sa vocation : “Le client vient pour parler. Ici, on est chez le psy, à l’écoute. Il faut que tu t’intéresses aux gens, sinon t’as qu’à rester dans ta niche. Si quelqu’un que t’as jamais vu reste une heure planté devant sa bière, il a envie de causer – alors dis-lui “Ça va, vous habitez dans le quartier, vous êtes nouveau ?” – et il te raconte sa vie.” Le bistrot n’est pas un commerce ordinaire. Dans son tube nostalgique Chez Laurette, Michel Delpech rend hommage à celle qui écoutait si bien les confidences : “Si par hasard, on avait l’âme en peine/Laurette seule savait nous consoler/Elle nous parlait et l’on riait quand même/En un clin d’œil, elle pouvait tout changer.”
Minuscules territoires baignés d’autres langues et d’une heure locale, les cafés tenus par des patrons d’origine étrangère constituent autant d’ambassades ouvertes à tous. Les Maghrébins retraités jouent aux dominos dans leurs établissements préférés tandis que les plus jeunes apprécient le narguilé des bars à chicha. Ces espaces à la fois communautaires et d’intégration rassemblent les cultures. Le café est un lieu qui fait lien. »
(p. 20-23)

Origine du terme (p. 27-31)
Quel avenir aux bistrots ? (p. 79-86)
Extrait court
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