Collection « Visions »

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Couverture
Aral :

« Je reviens toujours de l’Aral épuisé, rongé par le désert et la désespérance. Il me faut plusieurs jours dans le bon air de la montagne kirghize, où je réside, pour me rétablir. Et pourtant, à peine revenu, je n’ai qu’une idée en tête : repartir. Mais pourquoi donc ? J’ai horreur des dépotoirs. L’égoïsme, l’inefficacité et le gaspillage me révoltent. La souffrance de l’homme, comme celle des animaux, me répugne au plus haut point. L’apathie d’une société m’atterre. Or c’est cela que je retrouve à chaque fois, le long du Syr-Daria ou de l’Amou-Daria, en descendant vers l’Aral. Les gens d’amont se moquent bien de ce qui se passe en aval, et le résultat c’est le cul-de-basse-fosse aralien où crève ce qui reste d’humanité. Est-ce bien l’homme qui, à lui tout seul, est responsable de cette catastrophe ? S’il en est ainsi, n’est-il pas, vraiment, la plus malfaisante des créatures ? Eh bien non ! Pas toujours ! Car il y a là-bas, dans une immonde poussière, des hommes, des vrais, qui se battent pour leur survie, qui s’accrochent à ce coin déshérité, et qui ne sont pas près de rendre les armes. “L’espoir, c’est ce qui meurt en dernier”, disait mon ami Alachibaï, l’ancien maire d’Aralsk, alors que la digue par laquelle il voulait sauver ce qui restait de l’Aral venait d’être emportée par une tempête. C’est cet espoir insensé que je m’en vais retrouver là-bas, un espoir nimbé de la lumière incandescente de l’Aral et qui fait que l’on peut aimer à la folie cette terre de tous les abandons et de toutes les détresses.
On s’attache aussi à l’Aral parce que cette région est d’une beauté insolite. N’y ai-je pas survolé des myriades d’oiseaux semblables à des flamants roses et qui paraissaient prospérer sur cette mer en perdition ? N’ai-je pas erré des heures, fasciné, dans les stations de pêche abandonnées du littoral puis, “au large”, entre les épaves du golfe à sec de Sarichigan ? Il y a là, sur 2 km2, des chalutiers, des vraquiers et, semble-t-il, un petit pétrolier. Coques et carcasses rongées par la rouille, décortiquées de tout ce qu’elles pouvaient contenir, révèlent ce qu’était la vie à bord. Pourquoi ces épaves sont-elles, et de loin, plus belles, plus émouvantes que les bateaux qu’elles furent ? C’est là que nous avons fait la connaissance de Micha. En bon Kazakh, ce chamelier aux étranges yeux verts dans un visage de bourlingueur voulait à toute force nous inviter chez lui. Ses tatouages et son vocabulaire de zek indiquaient qu’il avait dû tâter des camps de travail de la Sibérie avant d’échouer là, comme les navires alentour. Aujourd’hui, Micha accompagne ses troupeaux de moutons et de chameaux qui paissent entre les épaves. J’ai senti, face à ce personnage déjà âgé, rabougri comme un vieux saxaoul – l’arbre du désert centre-asiatique –, que la pollution et le dénuement n’avaient pas prise sur lui, qu’il s’habituait à tout. Cette résistance des anciens, alors que les jeunes au contraire sont très vulnérables au cancer, à l’anémie, aux maladies infectieuses, est caractéristique de la zone. »
(p. 6-9)

Déserts (p. 46-49)
Montagne (p. 90-91)
Extrait court
Extraits d’articles
La mer d’Aral
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