Collection « Sillages »

  • Treks au Népal
  • La 2CV vagabonde
  • Ísland
  • Habiter l’Antarctique
  • Cavalières
  • Damien autour du monde
  • À l’ombre de l’Ararat
  • Moi, Naraa, femme de Mongolie
  • Carpates
  • Âme du Gange (L’)
  • Pèlerin de Shikoku (Le)
  • Ivre de steppes
  • Tu seras un homme
  • Arctic Dream
  • Road Angels
  • L’ours est mon maître
  • Sous les yourtes de Mongolie
  • Cavalier des steppes
  • Odyssée amérindienne (L’)
  • Routes de la foi (Les)
  • Aborigènes
  • Diagonale eurasienne
  • Brasil
  • Route du thé (La)
  • Dans les pas de l’Ours
  • Kamtchatka
  • Coureur des bois
  • Aux quatre vents de la Patagonie
  • Siberia
  • Sur la route again
  • À l’écoute de l’Inde
  • Seule sur le Transsibérien
  • Rivages de l’Est
  • Solitudes australes
  • Espíritu Pampa
  • À l’auberge de l’Orient
  • Sans escale
  • Au pays des hommes-fleurs
  • Voyage au bout de la soif
  • Errance amérindienne
  • Sibériennes
  • Unghalak
  • Nomade du Grand Nord
  • Sous l’aile du Grand Corbeau
  • Au cœur de l’Inde
  • Pèlerin d’Orient
  • Pèlerin d’Occident
  • Souffleur de bambou (Le)
  • Au vent des Kerguelen
  • Volta (La)
  • Par les sentiers de la soie
  • Atalaya
  • Voie des glaces (La)
  • Grand Hiver (Le)
  • Maelström
  • Au gré du Yukon
Couverture
La onzième heure :

« Délaissant l’autoroute qui me conduirait à la Vieille Ville en trois heures, je m’enfonce dans les collines boisées de Judée. Au bout d’une quinzaine de kilomètres, j’atteins la voie ferrée désaffectée qui reliait Tel-Aviv et Jérusalem. Celle qu’empruntaient, au début du XXe siècle, les pèlerins débarqués à Jaffa. Certains nostalgiques se lamentaient déjà des ravages du progrès qui bouleversait leur vision surannée d’une Jérusalem biblique où l’on ne pourrait sans doute pénétrer qu’à dos d’âne, comme Jésus le jour des Rameaux.
La ligne serpente et s’élève lentement entre les collines silencieuses. Dans la lumière limpide de cette matinée d’hiver, le paysage respire une paix à démentir toute la folie des hommes. Achever la montée à Jérusalem dans une telle sérénité lumineuse est un pur bonheur. Frayant mon chemin au flanc des versants boisés, je demeure concentré sur l’ultime poignée de kilomètres, mais intérieurement tout mon être galope avec ivresse sur les nuées imaginaires de la victoire.
Un cueilleur de champignons m’avertit :
— La voie trace la frontière avec les territoires palestiniens. C’est la Ligne verte. Il serait plus prudent de rester du côté nord, en Israël.
Ainsi, les deux rails de fer seront mon dernier fil de funambule. Le danger de tutoyer cette lisière entre deux mondes m’attire irrésistiblement. J’y verrais volontiers un infime espace de paix, mais ce n’est qu’une illusion de neutralité où chacun pourrait bien me confondre avec l’ennemi.
Dans une courbe, la voie enserre un village arabe. Les maisons s’étagent sur le coteau d’en face, groupées autour de la mosquée. Des passants couverts du keffieh déambulent dans les rues. On entend les élèves crier sous le préau de la cour de récréation. La vie normale de n’importe quel village en paix. Mais ils sont “de l’autre bord”. Terriblement étrangers. Sous mes pieds, les rails rouillés s’enfuient honteusement, aussi barbares qu’une ligne de fer barbelé, tandis que les collines des alentours se couronnent de quartiers juifs à l’allure de forteresses imprenables.
Les rails me conduisent facilement à travers le dédale des faubourgs. Ils me libèrent du souci de chercher mon chemin et me permettent de profiter sereinement des dernières heures. Au lieu de 15 kilomètres d’autoroute, j’ai parcouru près de 45 kilomètres dans les collines et le long de la voie ferrée. Enfin, au seuil de l’obscurité, les voies s’écartent au milieu des mauvaises herbes. Une vieille locomotive et quelques wagons achèvent de rouiller sur une voie de garage. La gare désaffectée élève ses deux étages entièrement délabrés. Une si petite gare pour la ville la plus sainte du monde ! Encore quelques dizaines de mètres, quelques mètres. Au bout des rails, le butoir solidement ancré dans le sol semble me rappeler que l’on ne va pas plus loin. Terminus ! Tout le monde descend ! Un panneau encore intact surplombe la plate-forme. Dans les tons bleu et blanc du drapeau israélien, on peut y lire, en caractères hébreux et latins : “Jérusalem”.
Voilà : je suis arrivé. Presque. Je viens d’atteindre le début de l’arête étroite qui, dans mon imagination, court de Jérusalem à Bethléem et que je m’étais assignée comme but de ces longs mois de voyage. Je suis arrivé. Je ne pleure pas, je ne saute pas de joie. Non, la joie serait trop pâle et l’allégresse trop frivole ; l’ivresse serait déraisonnable et le bonheur trop imprudent… Dans l’obscurité qui submerge le ciel transparent et enveloppe la Ville sainte avec une pudeur de jeune épousée, seul demeure un sentiment profond d’accomplissement qui comble l’être tout entier. »
(p. 287-288)

Jandarma (p. 148-150)
Les roses de Quasimodo (p. 167-170)
Hadji François (p. 193-195)
Extraits d’articles
La route de Jérusalem au Moyen Âge
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