La chasse à l’aigle
La chasse au loup, prédateur des troupeaux, au renard pour sa fourrure et au lièvre pour sa viande subsiste en bordure des monts Célestes et dans l’Altaï mongol par la grâce des burkutchu et de leurs aigles.
La chasse à l’aigle ou au faucon, si répandue au Moyen Âge, n’était plus guère pratiquée qu’en Mongolie, au Kazakhstan et au Kirghizistan, mais connaît aujourd’hui une vraie renaissance. Pour retrouver les règles et les secrets de cet art, l’expérience des derniers burkutchu – chasseurs à l’aigle – est sollicitée de toute part. On s’aperçoit alors que les plus grands aigliers – ceux par exemple qui chassent encore le loup, voire les cervidés, ou peuvent coordonner les attaques de plusieurs aigles – résident au Kirghizistan, notamment au sud de l’Issyk-Koul. Ce don des Kirghizes pour la chasse à l’aigle est souligné par l’interprétation suivante – parmi bien d’autres – de leur nom : il viendrait du mot indo-iranien karkasa, qui désigne l’aigle. Leur réussite, il est vrai, est facilitée par les capacités d’un aigle des Tian-Chan, dit « noiraud », particulièrement agressif et de dimensions exceptionnelles : jusqu’à 20 kg et 2 m d’envergure, notamment chez les femelles, plus fortes que les mâles. Cet aigle, quand il s’empare d’un bouquetin, transporte ou traîne cet animal de plus de 50 kg d’un rocher au suivant. Mais il lui est arrivé, à l’état sauvage, de faire de même avec un enfant ou de s’attaquer à un avion de tourisme ! Le dressage de ce rapace n’est donc pas une mince affaire. Son futur maître le récupère au nid et sera ainsi considéré par l’animal comme son père tout au long d’une coopération qui peut durer, étant donné la longévité des aigles, jusqu’à trente-cinq ans. Ce lien « parental » est essentiel pour que l’oiseau n’ait pas envie, lorsqu’il est lâché, de fausser compagnie à son protecteur. La chasse se passe à cheval en haute montagne, parfois avec l’aide de chiens. Le gibier sera fonction de la taille, de la race ou de la spécialité de l’oiseau. Les Kirghizes retiennent trois catégories : aigles à loup, à renard, à lièvre. Le chasseur porte l’animal sur son bras enveloppé d’un gant épais qui le protège des serres. Un capuchon enferme la tête de l’oiseau afin que ce dernier se tienne tranquille. Quand les chiens lèvent un gibier, le chasseur décapuchonne l’aigle et le lance en l’air. Le rapace prend de l’altitude et, lorsqu’il a repéré sa proie, tombe sur elle comme une pierre ou obliquement en volant au ras du sol. Le maître récupère le gibier en détournant l’attention de l’aigle. De septembre à mars, durant la saison de chasse, un oiseau bien dressé peut rapporter une dizaine de loups et une trentaine de renards. Il est rare qu’un aigle soit lâché sans résultat. Le plus fascinant dans cette chasse est le lien entre l’oiseau et l’aiglier : le burkutchu est aux petits soins, fait preuve d’affection, parle avec son aigle. Ce dernier ne reconnaît que son maître, passe volontairement sa vie en captivité et ne se reproduit pas.
Par René Cagnat
Texte extrait du livre : En pays kirghize, Visions d’un familier des monts Célestes
En savoir davantage sur : René Cagnat
La chasse à l’aigle ou au faucon, si répandue au Moyen Âge, n’était plus guère pratiquée qu’en Mongolie, au Kazakhstan et au Kirghizistan, mais connaît aujourd’hui une vraie renaissance. Pour retrouver les règles et les secrets de cet art, l’expérience des derniers burkutchu – chasseurs à l’aigle – est sollicitée de toute part. On s’aperçoit alors que les plus grands aigliers – ceux par exemple qui chassent encore le loup, voire les cervidés, ou peuvent coordonner les attaques de plusieurs aigles – résident au Kirghizistan, notamment au sud de l’Issyk-Koul. Ce don des Kirghizes pour la chasse à l’aigle est souligné par l’interprétation suivante – parmi bien d’autres – de leur nom : il viendrait du mot indo-iranien karkasa, qui désigne l’aigle. Leur réussite, il est vrai, est facilitée par les capacités d’un aigle des Tian-Chan, dit « noiraud », particulièrement agressif et de dimensions exceptionnelles : jusqu’à 20 kg et 2 m d’envergure, notamment chez les femelles, plus fortes que les mâles. Cet aigle, quand il s’empare d’un bouquetin, transporte ou traîne cet animal de plus de 50 kg d’un rocher au suivant. Mais il lui est arrivé, à l’état sauvage, de faire de même avec un enfant ou de s’attaquer à un avion de tourisme ! Le dressage de ce rapace n’est donc pas une mince affaire. Son futur maître le récupère au nid et sera ainsi considéré par l’animal comme son père tout au long d’une coopération qui peut durer, étant donné la longévité des aigles, jusqu’à trente-cinq ans. Ce lien « parental » est essentiel pour que l’oiseau n’ait pas envie, lorsqu’il est lâché, de fausser compagnie à son protecteur. La chasse se passe à cheval en haute montagne, parfois avec l’aide de chiens. Le gibier sera fonction de la taille, de la race ou de la spécialité de l’oiseau. Les Kirghizes retiennent trois catégories : aigles à loup, à renard, à lièvre. Le chasseur porte l’animal sur son bras enveloppé d’un gant épais qui le protège des serres. Un capuchon enferme la tête de l’oiseau afin que ce dernier se tienne tranquille. Quand les chiens lèvent un gibier, le chasseur décapuchonne l’aigle et le lance en l’air. Le rapace prend de l’altitude et, lorsqu’il a repéré sa proie, tombe sur elle comme une pierre ou obliquement en volant au ras du sol. Le maître récupère le gibier en détournant l’attention de l’aigle. De septembre à mars, durant la saison de chasse, un oiseau bien dressé peut rapporter une dizaine de loups et une trentaine de renards. Il est rare qu’un aigle soit lâché sans résultat. Le plus fascinant dans cette chasse est le lien entre l’oiseau et l’aiglier : le burkutchu est aux petits soins, fait preuve d’affection, parle avec son aigle. Ce dernier ne reconnaît que son maître, passe volontairement sa vie en captivité et ne se reproduit pas.
Par René Cagnat
Texte extrait du livre : En pays kirghize, Visions d’un familier des monts Célestes
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