La yourte kirghize
En trois millénaires d’évolution, la yourte a permis aux pasteurs kirghizes, venus de la taïga de l’Ienisseï, de devenir les maîtres des pâturages d’altitude des monts Célestes.
Tiède en hiver, fraîche en été, légère et pratique, la yourte est de plus imperméable et ne donne guère prise au vent. Concoctée des Scythes aux Kirghizes au fil d’une expérience trois fois millénaire, elle a atteint, voici des siècles, la perfection technique et n’a cessé d’être utilisée, même sous l’Union soviétique. Aujourd’hui elle est plus que jamais présente en pays kirghize : elle abrite, jusque dans les banlieues, travailleurs temporaires, réfugiés ou migrants chassés des montagnes par la crise. Une yourte d’envergure moyenne pèse 400 kg environ et 800 kg avec tout son équipement. Elle se compose d’une armature en bois de saule recouverte de feutre doublé à la base de clayonnés de paille. Une pièce de feutre, que l’on enroule vers le haut, ferme ou libère l’entrée où peut figurer en outre une porte en bois. Ce matériel peut être transporté dans une remorque mais, en raison du prix de l’essence, des caravanes de six yacks, cinq chevaux ou quatre chameaux portent à nouveau la yourte pliée et son contenu jusqu’au djaïloo.
Alors que quarante minutes suffisent à démonter une yourte, la monter requiert trois heures pour quatre personnes entraînées. Elles commenceront par installer le treillis en bois circulaire qui sert d’ossature à la paroi inférieure. Au-dessus de cette ossature elles attacheront la base des perches dont l’autre extrémité sera fichée, au sommet de la yourte, dans une couronne circulaire en bois, le tunduk. La carcasse ayant été édifiée, le moment vient de la recouvrir. Trois pièces de feutre rectangulaires seront mises bord à bord sur le treillis circulaire fixé par l’installation de la porte. Le toit sera alors protégé par deux grands feutres trapézoïdaux. Au sommet, le tunduk pourra être recouvert ou au contraire laissé ouvert pour l’éclairage et la ventilation intérieure. On utilisera à cet effet un feutre amovible manipulé à partir d’un galon fixé au montant de la porte. Toutes les toiles sont tendues et attachées à la carcasse par des lanières ouvrées et décorées.
Il existe différents types de yourte : la yourte de maître, la plus grande, de couleur blanche ; la yourte d’accueil pour les hôtes, souvent la mieux équipée ; la yourte-cuisine, domaine des femmes. Il convient d’ajouter à cette liste la yourte funéraire particulièrement ornée où tout Kirghize qui vient de décéder est déposé, même en ville, « afin de reprendre contact avec ses ancêtres ». Il y attendra, entouré des siens, que sa fosse soit préparée. Il y sera déposé dans une niche creusée au fond sur le côté de la paroi. Au-dessus de la tombe, un monument funéraire en forme de yourte pourra être édifié. Ainsi les Kirghizes, comme l’écrit le turcologue Rémy Dor, « restent fidèles à la yourte » car « elle fait partie intégrante de leur culture, de ce qui les différencie des autres et ils sentent inconsciemment le danger d’y renoncer ».
Par René Cagnat
Texte extrait du livre : En pays kirghize, Visions d’un familier des monts Célestes
En savoir davantage sur : René Cagnat
Tiède en hiver, fraîche en été, légère et pratique, la yourte est de plus imperméable et ne donne guère prise au vent. Concoctée des Scythes aux Kirghizes au fil d’une expérience trois fois millénaire, elle a atteint, voici des siècles, la perfection technique et n’a cessé d’être utilisée, même sous l’Union soviétique. Aujourd’hui elle est plus que jamais présente en pays kirghize : elle abrite, jusque dans les banlieues, travailleurs temporaires, réfugiés ou migrants chassés des montagnes par la crise. Une yourte d’envergure moyenne pèse 400 kg environ et 800 kg avec tout son équipement. Elle se compose d’une armature en bois de saule recouverte de feutre doublé à la base de clayonnés de paille. Une pièce de feutre, que l’on enroule vers le haut, ferme ou libère l’entrée où peut figurer en outre une porte en bois. Ce matériel peut être transporté dans une remorque mais, en raison du prix de l’essence, des caravanes de six yacks, cinq chevaux ou quatre chameaux portent à nouveau la yourte pliée et son contenu jusqu’au djaïloo.
Alors que quarante minutes suffisent à démonter une yourte, la monter requiert trois heures pour quatre personnes entraînées. Elles commenceront par installer le treillis en bois circulaire qui sert d’ossature à la paroi inférieure. Au-dessus de cette ossature elles attacheront la base des perches dont l’autre extrémité sera fichée, au sommet de la yourte, dans une couronne circulaire en bois, le tunduk. La carcasse ayant été édifiée, le moment vient de la recouvrir. Trois pièces de feutre rectangulaires seront mises bord à bord sur le treillis circulaire fixé par l’installation de la porte. Le toit sera alors protégé par deux grands feutres trapézoïdaux. Au sommet, le tunduk pourra être recouvert ou au contraire laissé ouvert pour l’éclairage et la ventilation intérieure. On utilisera à cet effet un feutre amovible manipulé à partir d’un galon fixé au montant de la porte. Toutes les toiles sont tendues et attachées à la carcasse par des lanières ouvrées et décorées.
Il existe différents types de yourte : la yourte de maître, la plus grande, de couleur blanche ; la yourte d’accueil pour les hôtes, souvent la mieux équipée ; la yourte-cuisine, domaine des femmes. Il convient d’ajouter à cette liste la yourte funéraire particulièrement ornée où tout Kirghize qui vient de décéder est déposé, même en ville, « afin de reprendre contact avec ses ancêtres ». Il y attendra, entouré des siens, que sa fosse soit préparée. Il y sera déposé dans une niche creusée au fond sur le côté de la paroi. Au-dessus de la tombe, un monument funéraire en forme de yourte pourra être édifié. Ainsi les Kirghizes, comme l’écrit le turcologue Rémy Dor, « restent fidèles à la yourte » car « elle fait partie intégrante de leur culture, de ce qui les différencie des autres et ils sentent inconsciemment le danger d’y renoncer ».
Par René Cagnat
Texte extrait du livre : En pays kirghize, Visions d’un familier des monts Célestes
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