Sierra de Béjar – Castille (Espagne)
Année 2006
© Mélanie Delloye
Né à Huy, dans la province belge de Liège, en 1959, Bernard Delloye part en voyage en 1982, sitôt passé son dernier examen de droit. Il traverse alors les États-Unis et le Canada en auto-stop, entretient des jardins en Californie et cueille les cerises en Colombie-Britannique. Au-delà des peuples et des langues, il découvre ce qu’est la vraie liberté. Revenu en Europe après un an et demi, on lui propose dans une entreprise le genre de job qui ne se refuse pas. S’ouvre alors à ses yeux d’anthropologue amateur un immense champ d’investigation : le bureau, les collègues, le patron, la hiérarchie, l’entreprise, sans oublier ? le voyage d’affaires » qui confère le statut. Cependant, se voyant bientôt englouti dans l’imparable logique du tout-marchand, il repart vite se décrasser les méninges au grand air de l’Amérique du Sud. Après un second tour d’un an et demi, il rentre à la voile avec un drôle d’équipage : quatre hommes d’horizons et de langues différentes qui ne se connaissent ni d’Ève ni d’Adam. En deux mois et demi de traversée, ces mousses d’occasion ne furent d’accord qu’une seule fois : quand ils se crurent poursuivis par des pirates?
Arrivé sain et sauf sur le sol belge, Bernard Delloye découvre que la cuisine bahianaise n’est pas accompagnée que d’épices. Les bactéries ont été constructives, elles lui ont laissé du poumon et même un gros chou-fleur à la place. Déjà grâce aux gentils anophèles qui s’étaient relayés auprès de lui dans les garimpos, il avait eu la chance de découvrir la médecine brésilienne, très efficace en ce qui concerne la malaria. Mais bon, contrairement au foie de Prométhée, le cerveau, lui, ne repousse pas. Après un voyage autour de sa chambre d’hôpital, il repart à l’aventure? en prison cette fois, côté parloir.
La vie d’avocat de Bernard Delloye est palpitante mais il faut du souffle. Comme pénaliste, c’est un genre de course où il faut savoir alterner les sprints entre les prisons et les greffes avec les attentes interminables dans les juridictions d’instruction. Urgence permanente, déplacements incessants. Mais pour notre juriste, ces années sont la continuation de sa vie de globe-trotter et il ne voit pas le temps passer. Ici, on ne côtoie pas les gens pour deux jours, on partage leur détresse, on porte leur fardeau sur ses épaules pour des années parfois. La basoche se situe très loin de l’image que le public s’en fait. Plus tard, il décide de ralentir. Pour le faire savoir, il lance le journal Piétons à Bruxelles, un magazine de contre-culture automobile et un caillou dans la mare des lobbies, pléthoriques dans la capitale de l’Europe. En artisan du barreau, dans la posture du scribe assis, il prend plaisir à explorer les méandres de la doctrine, à décortiquer les grands arrêts de la jurisprudence de cassation, à constituer des dossiers solides et bâtir une argumentation sans faille. Cela paraissait ne pas avoir de fin et dura seize ans.
Un jour cependant, sa femme, Mélanie Delloye, fit irruption dans le bureau de Bernard Delloye et, le voyant si sage et rangé, lui jeta : ? Je croyais que j’avais épousé un aventurier ! » La mèche du départ était rallumée? D’avril 2003 à juillet 2006, le couple et ses deux enfants ont marché de la Belgique au Portugal, en compagnie de deux ânes. Ils ont ainsi franchi la Thiérache wallonne, égrené les régions françaises – Ardennes, Mâconnais, Limagne, Gévaudan, Quercy, Lomagne –, puis, en Espagne, la Navarre, l’Aragon, la Rioja et la Galice. Ayant hiverné dans les Montes de León, ils sont entrés dans les provinces de Zamora et de Salamanque et ont séjourné dans la Sierra de Béjar, avant de rejoindre enfin le Portugal via la Serra da Estrela et Beira Litoral.
De retour à Bruxelles, Bernard et Mélanie Delloye poursuivent leur réflexion sur la décroissance qu’ils partagent avec le public à travers leurs conférences.