Tenant un moloch de l’espèce M. horridus, Punmu – région du Pilbara (Australie)
Année 2010
© Nick Anderson
Né à Caen en 1979, Eddie Mittelette grandit en Normandie où, parallèlement à ses études, il pratique l’aviron de compétition et le boomerang, passion qui le conduit à participer à la Coupe du monde de cette discipline à Melbourne en 2000. Cette expérience est une révélation et développe en lui une envie de mouvement en même temps qu’un amour pour l’outback.
Après des études de design à l’école Pivaut de Nantes, Eddie Mittelette obtient un visa de travail pour l’Australie où il retourne en 2005 afin d’y séjourner une année entière. Là, il s’imprègne de la culture en travaillant dans divers restaurants de Sydney, avant d’acheter un van et de faire le tour du continent. Avec sa compagne, il parcourt 25 000 kilomètres à travers tous les États ainsi qu’en Tasmanie. Entre villes et déserts, la découverte des grands espaces et de la culture indigène lui donne l’envie d’approfondir ses connaissances et de rencontrer les nomades aborigènes. L’occasion de prendre part à la vie communautaire de Docker River avec les Pitjantjatjara se présente mais l’expiration de son visa le contraint à reporter l’expérience.
De retour à Paris, Eddie Mittelette se perfectionne en photographie et travaille dans le but unique d’exaucer son rêve – fouler à nouveau le désert australien –, tandis que ses nombreuses lectures sur la culture aborigène précisent les contours de son projet. L’année 2008 est le prélude à un voyage de plus de deux ans : il s’arrête aux États-Unis pour prendre part à sa deuxième Coupe du monde de boomerang avant de faire escale à Hawaii, pour photographier les surfeurs dans les puissants rouleaux de la baie Waimea. Ensuite il atterrit en Nouvelle-Zélande, sur l’île du Nord. Il y achète un vélo muni de sacoches et d’une remorque et quitte sans la moindre préparation la ville d’Auckland. Après une traversée rapide vers Wellington, il gravit les cols de l’île du Sud sur plus de 4 000 kilomètres dans le but de s’aguerrir et d’appréhender tous les aspects physiques et techniques d’un tel voyage. Il y découvre les glaciers surplombant les lacs turquoise en montagne ainsi que les fjords de Milford Sound, empreints de majesté. Au terme de sa traversée, il travaille durant plusieurs mois à Wellington. Cette expérience est suivie d’un court passage en Inde ainsi que dans des orphelinats cambodgiens, puis d’un séjour à Perth, en Australie-Occidentale. De là, durant neuf mois, il poursuit sa préparation et se consacre à la fabrication artisanale de boomerangs.
Au début de 2010, Eddie Mittelette enfourche son vélo et s’élance pour sept mois en direction du Territoire du Nord jusqu’à Darwin, franchissant les régions sauvages du Grand Désert de sable et du Kimberley. Fasciné par les peuples du désert de l’Ouest – qui y menaient les dernières nomadisations jusque dans les années 1970 –, il tente de puiser dans cette nature grandiose les émotions ressenties dans le récit d’expédition de W. J. Peasley Les Derniers Nomades d’Australie, qui retrace le sauvetage de l’ultime couple de chasseurs-cueilleurs. Le voyageur rencontre leurs descendants à Wiluna puis rejoint pour plusieurs mois les communautés d’Aborigènes martu de Warralong et Punmu. Il est initié à la culture par les elders lors de séjours et d’errances dans le désert, où il participe à la chasse au kangourou, au varan, à l’outarde australienne et même au dromadaire sauvage ! Bouleversé par la magie des lieux et par cette civilisation multimillénaire aux prises avec une modernité exigeante, il ne revient en France qu’avec la ferme intention de repartir : il s’installe à Paris pour approfondir l’étude de la culture martu et entamer la rédaction d’un récit de voyage.
En 2013, Eddie Mittelette s’envole pour l’Australie afin de traverser le Grand Désert de sable dans sa longueur, ainsi qu’une partie du désert de Gibson puis du Petit Désert de sable. Au départ d’Alice Springs, il s’élance seul à vélo dans cette zone aride de plus de 2 300 kilomètres en direction de la côte Ouest, sur les pistes les plus isolées du continent. Parmi les dunes et lacs salés, de Papunya à Parnngurr en passant par Kiwirrkurra, il va à la rencontre d’autres peuples tels que les Arrernte, les Luritja et les Pintupi, pour ensuite retrouver les Martu. Au cœur d’une nature puissante, son voyage éprouvant le mène finalement aux abords de Wiluna, où la soif provoque la rencontre, fortuite, d’un des cinq membres de la fameuse expédition de 1977. Une amitié se tisse et, ensemble, à l’horizon de l’année 2016, ils envisagent d’organiser en France une série de conférences autour du film d’archives qui retrace les recherches.
De retour en France, Eddie Mittelette quitte la frénésie parisienne et s’installe à Nantes afin de parachever plusieurs projets d’écriture. En 2017, il séjourne trois mois à Perth, où il se forme à des techniques de fabrication de boomerangs. En 2019, il repart pour son septième voyage en Australie afin de longer à pied le fleuve Fitzroy. À Broome, il rencontre des elders nyikina, walmajarri et bunuba qui lui offrent protection et lui donnent le droit de traverser leur pays. Fort de leur soutien, il débute sa marche solitaire depuis la communauté de Pandanus Park, au sud de Derby, pour rejoindre celle de Warmun, située 1 300 kilomètres plus à l’est. Au plus près du fleuve – territoire des crocodiles et des grues brolgas –, il arpente des plaines inondables et leurs confins désertiques mais aussi d’anciens massifs montagneux et des savanes plantées de baobabs. Lorsqu’il fait halte dans les communautés, il écoute les Aborigènes lui conter leurs mythes et leur lien avec les ? eaux vivantes », et il se promet d’écrire leur histoire.
Rentré en France, Eddie Mittelette entame l’écriture d’un nouveau récit. Préoccupé par les projets industriels qui menacent le fleuve Fitzroy, il décide de fonder l’association ? Living Waters Law First – pour les rivières et les peuples racines », qui se donne pour objectif d’agir aux côtés des nations aborigènes d’Australie pour le droit à l’eau, la protection des rivières et leur reconnaissance comme ? entités vivantes ».