L’ascension du Nanga Parbat
Le Nanga Parbat est le premier sommet de plus de 8 000 m à attirer des alpinistes. En 1895, l’Anglais A. F. Mummery, célèbre pour ses ascensions sans guide dans les Alpes, a l’audace de venir se mesurer aux versants gigantesques de la « Montagne nue ». Son expédition est extrêmement légère. Il tente avec trois compatriotes et deux officiers gurka une ascension du côté du Diamir par un éperon central qui porte aujourd’hui son nom. Les dimensions de la face n’ont rien de commun avec celles des Alpes et la problématique de la haute altitude est encore peu connue. Ils abandonnent à 6 400 m et l’équipe se sépare pour trouver une autre voie d’ascension. Mummery et les deux Gurka disparaissent à jamais en tentant de rejoindre le versant Raikot par des cols abrupts. À partir de 1932, les Allemands assiègent la montagne. Willy Merkl fait deux tentatives qui se soldent par la tragédie de 1934 : il meurt d’épuisement dans une tempête avec huit compagnons. En 1937, une troisième expédition est décimée par une avalanche qui ensevelit seize personnes au camp IV. Le sommet est gravi le 3 juillet 1953 par l’Autrichien Hermann Buhl qui accomplit, à 29 ans, l’un des plus grands exploits de l’histoire de l’alpinisme. Parti seul à 2 h 30 du matin depuis un camp à 6 900 m, distant de plus de 4 kilomètres du sommet, il atteint la cime à 19 heures après dix-sept heures trente d’efforts, sans oxygène. Il laisse son piolet en haut et bivouaque à plus de 8 000 m dans une pente raide, debout, appuyé sur son bâton de ski, avec un crampon cassé, sans matériel, sans nourriture. Il rejoint le camp dans un état halluciné quarante et une heures après l’avoir quitté. C’est le troisième sommet de plus de 8 000 m à être gravi, le premier en solitaire. En 1962, l’Allemand Toni Kinshoffer ouvre un itinéraire du côté du Diamir, qui deviendra la voie normale, dans une face de 3 500 m de haut. La nouvelle vague de grimpeurs arrive en 1970, avec deux jeunes gens de moins de 26 ans, les frères Messner. Pour leur première expérience en Himalaya, ils se lancent à l’assaut du versant Rupal du Nanga Parbat, la plus haute paroi du monde, qui dresse 4 300 m de roche et de glace au-dessus de paisibles alpages. Ils parviennent en haut ensemble, sans corde, mais commettent une erreur de jugement qui va les empêcher de redescendre par leur voie d’ascension. Ils bivouaquent à 8 000 m sans équipement et s’élancent dans les pentes inconnues du Diamir. Gunther est tué par des chutes de séracs alors qu’il rejoint le pied de la face. Reinhold, marqué à vie par cette tragédie, revient seul au sommet par une nouvelle voie huit ans plus tard. En 1985, le Polonais Jerzy Kukuczka réalise sa plus difficile et dangereuse course sur l’immense pilier sud-est du côté Rupal. En 2004, l’arête de Mazeno est parcourue pour la première fois par deux Américains. Toutes les générations d’alpinistes ont vécu sur cette montagne leurs heures les plus dramatiques. Environ deux cents grimpeurs ont atteint son sommet, par neuf itinéraires différents, et soixante et une personnes ont péri sur ses flancs, qui inspirent toujours le plus profond respect.
Par Géraldine Benestar & Pierre Neyret
Texte extrait du livre : Hautes vallées du Pakistan, Visions de montagnards
En savoir davantage sur : Géraldine Benestar & Pierre Neyret
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