Vallée d’Aspe – Pyrénées atlantiques (France)
Année 2011
© Lys
Terra di sôdade? Mundo di sôdades :
« Depuis quinze ans, je parcours le Cap-Vert et y séjourne en moyenne deux mois par an, entre travail et voyage. Mes pas ont foulé toutes les îles, à l’exception de Maio, que je ne souhaite pas approcher, afin de me laisser une part de rêve, une raison de revenir encore et encore. Pendant longtemps, je me suis posé la question de savoir ce qui me séduisait dans ce pays. Bien sûr la vie quotidienne y est agréable, les gens fort accueillants, la musique riche et le climat des meilleurs. Mais en creusant au tréfonds de moi-même, j’ai découvert pourquoi ce thème récurrent de sôdade y est si ancré. En dépassant mon complexe de non-Cap-Verdien, j’ai appris que la sôdade est un sentiment autre que lusophone, il est universel.
En fait, quand je suis dans ces îles, c’est le petit garçon que j’étais qui revit, celui qui était en vacances en Italie avec ses grands-parents et sa famille. Oui, je ressens les mêmes odeurs, les mêmes expressions, le même combat des paysans d’ici et de là-bas. Au Cap-Vert, je retrouve – enfin – mes racines perdues, depuis l’exil de ma famille vers cette France généreuse qui offrait une vie matérielle meilleure. Oui, je suis cet enfant de l’exil qui n’a pas encore fait le travail du retour, qui a perdu sa langue et son identité, mais qui commence à comprendre, comme chaque Cap-Verdien, chaque émigré, qu’il existe un travail du retour. Car dans la notion de sôdade, il y a toujours ce fantasme du retour, pour soi-même ou pour la génération future.
En 2011, je suis retourné en Italie pour la première fois depuis la mort de mon père et mon adolescence, sur la trace des miens, en quête de mon histoire. Et quel n’a pas été mon étonnement de voir que le hameau d’où je proviens porte le même nom que le village où je m’abrite systématiquement à Santiago : Porto Rincon ! Décidément, il n’y a pas de hasard? »
Cap-Vert, Voyage au cœur de la sôdade
(p. 12-13, Transboréal, 2014)