Flandre (Belgique)
Année 2009
© Judith Vaes
Avec des ânes pour compagnie :
« Pendant trois ans, en famille, nous avons sillonnĂ© les chemins d’Europe de l’Ouest au rythme de nos ânes, cĂ´te à cĂ´te, corps à corps. Comme d’autres larguent les amarres et hissent la grand-voile pour atteindre la haute mer, nous avons dĂ©nouĂ© les longes et mis le cap sur l’inconnu. N’importe quel rivage pouvait servir de limite. Les enfants et les ânes composeraient, sur une portĂ©e qui finirait par le roulement des vagues sur la cĂ´te portugaise, au bord de l’Atlantique, une musique de bottines sur le schiste qui craque, la craie qui s’Ă©crase, le granite qui roule, avec en contrepoint le battement des sabots sur le bitume ou les foulĂ©es sur l’herbe.
L’idĂ©e du voyage dĂ©coulait de notre choix de vivre le quotidien au pas, hors des nœuds autoroutiers et des couloirs flĂ©chĂ©s, sans voiture, sans avion. La Terre vue de la Terre, selon Coline Serreau. Mais des ânes trottinant au milieu d’un steeple-chase, cela fait un peu dĂ©sordre? On les bouscule, ils couchent un peu les oreilles, lancent quelques ruades pour imposer le respect. Ce n’est pas tenable. Il faut quitter la mĂŞlĂ©e. Après quelques annĂ©es, nous avons dĂ©cidĂ© de prendre le large. Nous irions donc à pied, tranquillement, comme un âne qui a fait le tour de sa prairie s’aperçoit que la barrière est ouverte, et s’en va tranquillement se fondre dans la lumière du monde. »
Le Rythme de l’âne, Petit hommage aux baudets, grisons et autres bourricots
(p. 12-13, Transboréal, ? Petite philosophie du voyage », 2009, 3e éd. 2019)