Avec les manchots royaux de Gold Harbor – Géorgie du Sud
Année 2016
© Daphné Buiron
La grande traversée :
« D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été passionnée par la terre et le vivant, le volcanisme, la tectonique des plaques, la reproduction des plantes, la cartographie, la faune marine, le fonctionnement des océans et des étoiles. Une enfance sensibilisée mais aussi un petit quelque chose d’inné, une appétence particulière pour l’exploration. Je voulais connaître le nom des arbres, la raison de leur changement de couleur, les oiseaux qui les habitaient, les noms des papillons et des nuages dans lesquels s’accrochent les branches. Si la planète me fascinait, les êtres humains, en revanche, m’attiraient beaucoup moins. Je les ai vite dénigrés au profit des animaux, des plantes, des roches, du minéral, du vide astral. À 15 ans, les sciences trouvaient résonance dans les écrits de Jules Verne et de Bernard Werber. J’aimais ces auteurs qui osaient franchir les limites du connu pour y insérer un soupçon de surnaturel, de réalités nouvelles, là où l’avéré laissait d’étroites brèches à l’imagination. J’habitais leur monde. Le métier de mes rêves changeait au fil des cours : archéologue, volcanologue, géologue, biologiste marin, météorologue et, enfin, astronaute. As-tro-naute. L’aventure ultime. Quitter la Terre, voler ! Partir observer les étoiles. Cela me tint longtemps. Jusqu’au lycée je n’en démordais pas. Je serai astronaute, quoi qu’on dise ! Mais la poésie fit place aux mathématiques et aux lois physiques. Mon rêve d’univers finit par s’écrouler. Les étoiles, une à une, s’éteignirent, jusqu’à ce que ne reste dans mon ciel qu’une lune. Elle était blanche. J’avais 16 ans. Je venais de découvrir l’existence de l’Antarctique. »
Habiter l’Antarctique
(p. 16-17, Transboréal, ? Sillages », 2023)