Sur la plage d’Aytré – Charente-Maritime (France).
Année 2020
© Chloé Joly
Intensité ontologique :
« Que faire face à ces espaces changeants, à cette instabilité météorologique, sinon cultiver une conscience aiguë de l’instant présent ? La pratique du windsurf nécessite une grande attention à ce qui advient. Je sais le réel changeant, le temps cyclique, chaque moment passé sur la planche m’est important car fugitif. Ce sport me rappelle que la vie n’est pas un bloc ou une chronologie sûre, mais plutôt une succession d’instants. Quand l’énergie qui me traverse en silence au-dessus des eaux profondes finit par me remplir entièrement, l’instantané s’élargit. Je ressens physiquement que l’instant n’est rien d’autre que l’éternité. Le temps semble se figer et laisse la totalité des sensations se cristalliser dans mon esprit. Dès que je suis sur l’eau, dès lors que je pénètre, de tout mon corps, le vent, tout ce qui est de l’ordre du différé ne m’importe plus, car il m’est donné de faire, dans la vibration de chaque risée, l’expérience intime et immédiate de l’être. Vivre l’intensité de ce moment unique, c’est sortir temporairement d’un temps usuel pour entrer dans un autre, qui m’est propre. Je consacre toute ma force présente à me glisser dans chaque ondulation, sans courir de l’une à l’autre vers une finalité quelconque, mais en obéissant au désir de m’enfoncer en chacune, d’expérimenter toujours plus profondément chaque puissance et chaque souffle, jusqu’à ses racines les plus vivaces. »
La Frénésie du windsurf, Petites empoignades avec le vent, les embruns et les vagues
(p. 80-81, Transboréal, ? Petite philosophie du voyage », 2022)