Avec le CIPA à Nice – Alpes-Maritimes (France)
Année 2015
© Fabrice Guillet
Fragilité :
« C’est à mon tour ; mon objectif est de plonger à 30 mètres en poids constant avec palmes. Pour un apnéiste confirmé, cette profondeur est modeste, mais c’est la première fois que je la tente. Je m’immerge, arrive sans mal à mon objectif et me prépare à rejoindre la surface. Comme à mon habitude, je fais quelques mouvements de palmes pour commencer à remonter, puis je compte sur la poussée d’Archimède pour finir le travail sans trop d’effort. Mais cette fois-ci, tout ne se passe pas comme prévu : je retombe, en chute libre, vers les profondeurs. Rien d’étonnant en réalité : à 30 mètres, je suis en flottabilité négative, et il faut aider Archimède. Soudain, je reprends conscience de ma condition d’animal terrestre, et de la distance qu’il me reste à parcourir avant de faire surface. L’envie de respirer se fait pressante, et, en plus des spasmes et de la souffrance, je pense à ce qui m’attend si je ne sors pas rapidement de l’eau : la perte de connaissance. J’intensifie alors mon palmage pour une remontée de quelques dizaines de secondes, mais qui paraît interminable. Un autre plongeur me rejoint à mi-profondeur, et porte un œil attentif sur moi. Sous son regard, je sors enfin de l’eau ; c’est une véritable délivrance : jamais une bouffée d’air ne m’est apparue aussi délicieuse. Je retire mon masque, et fais un signe à mon partenaire pour lui dire que tout va bien. Tout va bien, mais j’ai eu sacrément peur ! Pour la première fois depuis que je fais de l’apnée, j’ai perçu les dangers qu’elle recèle. »
Les Prouesses de l’apnée, Petites divagations aux confins du souffle et de la volonté
(p. 12-13, Transboréal, ? Petite philosophie du voyage », 2022)